Syrie-Irak : l'État islamique recule sur tous les fronts

29.03.2016

Le territoire du califat se rétrécit mais les revers subis par les djihadistes n'ont pas encore entamé leur potentiel de nuisance.

L'État islamique recule sur tous les fronts. Une série de revers a récemment forcé l'organisation djihadiste à abandonner une partie de son territoire en Irak et en Syrie. Au nord, face aux Kurdes syriens et irakiens, à l'ouest, face aux forces gouvernementales syriennes et à leurs alliés russes, iraniens et chiites libanais, et à l'est, face à l'armée irakienne, les milices chiites et les conseillers iraniens, le califat autoproclamé est partout sur la défensive.
En Syrie, la reprise de Palmyre par les forces loyales à Bachar el-Assad a été le week-end dernier une défaite importante pour l'État islamique. Outre la perte d'une position avancée dans le désert syrien, en direction de Homs et Damas, les djihadistes ont subi une défaite de prestige. Leur repli précipité écorne l'image de force militaire irrésistible soigneusement mise en scène par l'organisation pour intimider ses ennemis. Appuyées par l'aviation russe, les forces loyalistes syriennes talonnent à présent les djihadistes sur les routes du désert en direction de Deir Ezzor, ville où une garnison encerclée du régime tient toujours l'aéroport militaire. Le commandement syrien a annoncé que Tadmor, le nom syrien de Palmyre, servira de «base à partir de laquelle s'étendront les opérations contre le groupe terroriste notamment à Deir Ezzor et Raqqa». Dans le nord de la Syrie, les milices kurdes de l'YPG sont à une cinquantaine de kilomètres de Raqqa, le bastion de l'organisation.
En Irak, l'EI a continué de perdre du terrain depuis la reprise de Ramadi par l'armée irakienne entre décembre 2015 et février 2016. Dans la province d'al-Anbar, les forces irakiennes avancent et sont au contact avec les djihadistes à Hit. Dans le nord, les Kurdes et leurs conseillers américains préparent une offensive contre Mossoul, la plus grande ville contrôlée par le califat.
Autre signe d'affaiblissement, Daech n'a plus lancé d'offensive d'envergure depuis mai 2015, date de sa capture de Palmyre. Les bombardements ciblés des drones américains ont tué ces derniers mois de nombreux cadres intermédiaires de l'organisation qui forment l'ossature de ses forces militaires.

Cette série de revers a permis d'arrêter l'expansion de l'État islamique. Elles ont aussi permis de contrebalancer l'ascendant psychologique qu'avait pris le califat, se présentant à ses militants comme à ses ennemis comme une organisation irrésistible. Mais revers ne signifie pas défaite. Ces retraits ont jusqu'à présent été des replis plus que des déroutes. Depuis son expérience de Kobané, la ville du Kurdistan syrien défendue maison par maison par les djihadistes sous les bombardements massifs de l'aviation américaine, l'EI ne sacrifie plus ses combattants pour tenir des positions indéfendables. Si les Syriens annoncent que 400 combattants djihadistes ont été tués pendant la défense de Palmyre, la vitesse avec laquelle la ville est tombée indique que le gros des troupes de l'État islamique s'est replié plutôt que de se laisser écraser par l'aviation russe. À Sinjar, dans le nord de l'Irak, l'EI a aussi abandonné des positions devenues intenables plutôt que de se battre contre des forces supérieures et appuyées par l'aviation américaine.
Que ce soit à Palmyre, Ramadi ou Sinjar, les positions abandonnées par les djihadistes n'étaient que des avant-postes. Le cœur du territoire du califat reste sous l'entier contrôle des djihadistes. Malgré la perte de la périphérie de son territoire, et surtout de l'usage de la Turquie comme base arrière, sanitaire, de recrutement et de logistique, Daech contrôle toujours un territoire étendu et plus de 6 millions de personnes.

La reprise des villes importantes s'annoncent difficile

L'avance des forces gouvernementales syriennes et irakiennes dans le cœur de ce territoire, peuplé dans sa quasi-totalité d'Arabes sunnites, les expose à des problèmes de contrôle des territoires reconquis. Un peu comme les Américains à l'époque de leur guerre contre-insurrectionnelle en Irak, les armées syrienne et irakienne risquent de découvrir qu'il est plus aisé de reprendre par la force une ville que de la contrôler sans le soutien de la population. Dans les parties de la province d'al-Anbar reprises par le gouvernement irakien, l'EI a déjà repris les tactiques de guérilla utilisées contre les Américains, recourant à des attentats à la voiture piégée ou aux engins explosifs improvisés placés sur le bord des routes.
Les miliciens kurdes, syriens ou irakiens ont jusqu'à présent remporté leur succès dans les zones de peuplement kurdes ou à proximité. Il n'est pas certain que les populations arabes des provinces d'Idlib, d'Alep ou de Raqqa les accueillent en libérateurs. Pas plus que ne le seront les miliciens chiites irakiens ou libanais qui accompagnent les armées régulières irakiennes ou syriennes dans les provinces d'al-Anbar ou de Ninive. La prise de villes importantes, comme Raqqa, Deir Ezzor ou encore Mossoul, pourrait se révéler comme une opération plus complexe que celle de Palmyre. Les mois de violents combats qui ont presque entièrement ravagé Ramadi donnent une idée de ce que pourrait signifier une résistance des djihadistes acculés.
La perte de territoires signifie un affaiblissement considérable des capacités militaires de l'État islamique, comme de ses ressources financières et humaines. Mais elle n'implique pas forcément la fin d'une organisation qui fut longtemps clandestine, et qui pourrait le redevenir si elle devait perdre les territoires sous son contrôle. Daech a démontré de Paris à Bruxelles sa capacité de se projeter loin de ses bases, et ses cadres ont essaimé en Afrique du Nord, de la Libye au Nigeria. La capacité du mouvement djihadiste à muter en fonction des circonstances semble intacte.

 

Source: Figaro