Éric Zemmour - les causes de la russophobie en Occident
Entretien avec Éric Zemmour
"En France c'est une russophobie traditionnelle. C'est depuis le fameux voyage de Custine en 1839, le fameux livre sur la Russie, qui montre les Russes comme des barbares...
Il y a une russophobie traditionnelle, qui d’ailleurs ne va pas sans son contraire, et une passion pour la Russie, une fascination pour la Russie. C’est en France qu’on a le plus de gens qui aiment Dostoïevski, Tolstoï, qui sont fascinés par les tzarines, les tzars, mais aussi par la Révolution russe, après tout c’est aussi le produit de l’histoire russe.
Il y a eu beaucoup de communistes en France qui étaient fascinés par Moscou quand elle était rouge. Ça fait aussi partie de l’histoire de la Russie.
Il y a cette ambivalence pour la France. Et en plus la Russie, depuis trois siècles, quand on est alliés à la Russie, on gagne les guerres. Quand on est contre la Russie on perd les guerres.
Vous savez, Napoléon avait compris que le seul allié possible pour la France c’était la Russie. Il ne voulait pas faire la guerre avec la Russie.
En 1914, on a tenu face à l’Allemagne parce qu’il y avait l’alliance avec la Russie. En 1940, on s’est effondrés parce qu’il n’y avait plus d’alliance avec la Russie.
Les Français le savent, inconsciemment ou consciemment.
Maintenant pour l’Occident, ce n’est pas la même chose. Je pense qu’il y a une volonté des Américains depuis toujours…
Vous savez, il ya des theories géopolitiques, selon laquelles ce qui tient l’Eurasie tient le monde, et qui tient le centre de l’Eurasie tient le monde. Le centre de l’Eurasie, c’est l’Allemagne, la Russie et la France.
Il ne faut pas que ces trois pays soient ensemble, parce que pour les Américains c’est la fin de leur domination sur l’Europe occidentale.
Et donc les Américains vont passer leur vie à essayer de trouver des sujets de désaccord entre la France et l’Allemagne d’un côté, et la Russie de l’autre.
Avant c’était facile, c’était le régime communiste évidemment. Cela s’imposait. Depuis qu’il n’y a plus le communisme, eh bien on a trouvé d’autres sujets.
L’Alliance atlantique avance, avance pour manger les territoires de plus en plus proches de la Russie. Et évidemment on attend la réaction de l’ours russe. Et comme elle est arrivée, on dit aux Allemands « Voyez, ils sont vraiment méchants, il ne faut surtout pas se mettre avec eux ». Et on dit aux Français « Voyez votre romantisme à deux balles, la nation de Dostoïevski et Poutine, c’est surtout la nation de Staline. Et donc ayez peur, soyez méfiants, et revenez sous la parapluie américain ».