Quand le FN boude les médias

13.06.2016

À en croire Marine Le Pen, les journalistes auraient un problème avec le Front national. Les médias snoberaient ses représentants. Privé de micro et de tribune, le FN se retrouverait, en quelque sorte, censuré. Un discours que Jean-Marie Le Pen tenait déjà en son temps et qui conforte l'image de parti « anti-système » de la formation d'extrême droite.
Seul problème : cette affirmation ne tient pas la route. Comme l'a relevé, le 13 juin, L e Parisien, les demandes répétées du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'accorder plus de temps de parole au FN, depuis ses succès électoraux aux régionales de décembre, ont bien été suivies d'effet. « Les directions de télévision et de radio convient davantage les représentants du Front national à leurs émissions », confie un membre de cette assemblée. Dans un courrier adressé à neuf directeurs de chaîne, le CSA se félicite que les rédactions en chef aient été sensibles à ses observations.

Si on ne voit pas davantage le FN dans les médias, c'est parce que la cellule de presse du parti décline ces invitations, affirme ce courrier. « Vos services ont (...) insisté sur la stratégie de communication politique de cette formation et la difficulté d'obtenir suffisamment de réponses positives aux invitations lancées par les chaînes », est-il écrit. « Il peut d'ailleurs vous appartenir de faire état publiquement de votre politique d'invitation et, le cas échéant, des difficultés que vous rencontreriez dans la mise en œuvre de celle-ci », suggère le CSA.

Tous les diffuseurs ont signalé la même chose à la haute instance : « Ils reçoivent de manière récurrente des fins de non-recevoir de la part du FN », confie-t-on au siège du CSA. Est-ce par crainte de voir certains élus locaux déraper ? Ou par désir de capter toute la lumière ? Six dirigeants du FN (Marine Le Pen, son compagnon Louis Aliot, sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, Florian Philippot, Gilbert Collard et, dans une moindre mesure, Nicolas Bay) captent toute la lumière. Ils ne peuvent ou ne veulent pas répondre à toutes les sollicitations. Pire, ils refusent systématiquement les interviews demandées par certains supports !

Certains médias black-listés ?

« Marine Le Pen ne veut jamais venir chez nous », regrette-t-on à France Inter. « Louis Aliot ne veut plus faire que des télés », insiste un autre expert politique de Radio France. « Avant le premier tour des régionales en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, nous voulions organiser un débat avec les principaux candidats. Marine Le Pen a refusé et son entourage nous a fait comprendre que France Inter, c'était non », se rappelle Frédéric Métézeau, le chef du service politique de la station souvent surnommée « radio bolcho » par la présidente du FN. « Le Front national cible les médias. S'il se rend sur une antenne, c'est parce qu'il espère viser des auditeurs spécifiques. Mais tous les autres partis et personnalités politiques le font également », relève de son côté Francis Letellier, qui a interviewé Marine Le Pen, sur France 3, dimanche 12 juin.

Un relevé détaillé des passages télé des élus FN révèle que Florian Philippot a été la personnalité politique, toutes étiquettes confondues, la plus invitée dans les médias, avec 65 matinales en 2015. Ce dernier entend cependant battre en brèche les arguments du CSA et des diffuseurs. « Il nous arrive de refuser des invitations parce que nous faisons des arbitrages ou pour de simples questions d'emploi du temps. Mais, dès que nous pouvons y aller, nous le faisons, car nous avons encore beaucoup de temps d'antenne à rattraper », indique-t-il au Parisien.

Source : Le Point