Marine Le Pen confirme sa ligne économique anti-UE
Lors d'un colloque organisé à Paris et consacré au «modèle économique imposé par l'Union européenne», la présidente du Front national a répété son attachement à la «souveraineté monétaire»
Première spectatrice enthousiaste du colloque organisé samedi à Paris par la fondation Europe des nations et des libertés, Marine Le Pen a apprécié les analyses des neuf économistes invités. Issus de six nationalités différentes, ils ont affiché leurs convergences avec l'un des piliers programmatique du projet frontiste pour 2017: la souveraineté économique et monétaire.
Les arguments, exposés durant cinq heures à la Mutualité autour de quatre questions, ont apporté de l'eau au moulin de Marine Le Pen. Ils ont aussi confirmé son angle d'attaque pour la présidentielle, le même que la présidente du Front national avait choisi dans ses précédents combats électoraux. Elle ne modifiera pas le cap durant la campagne 2017, comme elle l'avait déjà expliqué au lendemain du séminaire d'Etiolles, où certains frontistes avaient réclamé un recentrage du parti sur les questions micro-économiques.
«Je n'ai jamais changé de position, a-t-elle insisté en coulisses, j'ai une vision pragmatique des choses. Moi, je ne vais pas venir comme le font tous les candidats à la présidentielle, promettre une série de mesures que je serai dans l'incapacité totale de mettre en œuvre, précisément parce que je n'aurais pas cette souveraineté monétaire». A ses yeux, il est impossible de promettre un changement politique sans le «levier essentiel» de la souveraineté monétaire.
Animateur de cette journée studieuse, Philippe Murer, économiste au cabinet de Marine Le Pen, avait recherché un «équilibre international» pour concevoir un plateau de spécialistes, préalablement connus dans le cadre de ses recherches universitaires. Ces analystes, ayant comme point commun une vision très critique de l'Union européenne et de la monnaie unique, étaient invités à déterminer les «avantages» de la souveraineté monétaire, imaginer des pistes pour «reconstruire» les économies nationales ou encore juger les «bénéfices» d'un changement de modèle.
Absent, Jacques Sapir avait laissé des enregistrements vidéos diffusés durant le colloque. Les organisateurs avaient également invité une Allemande qui n'a pu venir. L'événement, suivi par près de 300 personnes a été présenté comme une «réunion de travail» plutôt qu'un «meeting politique».
Voix de la Grèce, Maria Negreponti-Delivanis a dénoncé un «échec irréparable» de la zone euro et de «grands écarts structurels» entre les pays de l'Union. Elle a également pointé une «monnaie génétiquement déficiente» et ciblé les effets de «l'austérité». «Cette stratégie n'est pas viable car la compétitivité passe avant le bien être de la population» a-t-elle déclaré.
Venu des Pays-Bas, le bosniaque Edin Mujagik n'a vu qu'un seul avantage à la monnaie unique: ne pas être contraint de changer de devise lorsqu'on voyage. Lorsqu'il a demandé pourquoi l'euro n'était pas réversible alors que le franc français, «une monnaie de huit siècles» le fut, il a été applaudi. Pour l'Italien Alberto Bagnai, la «faillite de l'Europe» n'est pas une «surprise» puisqu'elle était «annoncée».
Déplorant le poids économique de l'Allemagne, il a considéré que les Allemands étaient «en train de détruire notre culture, hélas, pour la troisième fois dans notre siècle». En fin de colloque, dans un élan plus politique, le Français Hervé Juvin a repris la même critique. Pointant, lui aussi, l'Allemagne, Jacques Sapir a prédit une «amplification» des crises européennes. Observant la bataille de projets entre les deux candidats à la primaire de la droite, François Fillon et Alain Juppé, il a estimé que cette «course à l'échalote» sur la réduction des dépenses, pourrait coûter 3 points de PIB et faire grimper le chômage à 15%.
Qualifiant l'Europe de «modèle réduit de la mondialisation», Jean-Claude Werrebrouck a encore dénoncé un «recul de la République et une montée des minarets». Puis, à quelques semaines du référendum britannique sur la sortie de l'UE, Matthew Goodwin a estimé que les réalités économiques d'aujourd'hui étaient «très différentes» de celles connues au temps des fondateurs de l'Europe. Aujourd'hui, il existe selon lui une «désillusion publique». «Sauf changement radical, la zone euro n'est plus un projet politique viable» a-t-il averti. Pour sa par, Jean-Jacques Rosat, vantant une approche «libérale» de l'économie, a appelé à»rétablir la vérité des changes» et «restituer la compétitivité» des entreprises françaises.
A la fin du colloque, Philippe Murer a jugé le résultat «de très bon niveau». Selon lui, Marine Le Pen et son équipe d'économistes en feront une synthèse. Les argumentaires exposés samedi à la Mutualité auront sans doute une seconde vie. Il ne serait pas étonnant d'en retrouver certains dans le projet économique, revu et corrigé, de la candidate à la présidentielle 2017.
Source : Le Figaro