Lumières et post-lumières : lumière ou ténèbres ?

14.05.2024

Le dialogue entre la postmodernité et la philosophie classique est aussi exotique et étrange que la postmodernité elle-même. Au cœur de la philosophie moderniste se trouve une stratégie étrange et complexe: il est nécessaire de démanteler complètement la modernité, en ne négligeant aucune pierre, mais en même temps, il est nécessaire de s'éloigner davantage de la tradition à laquelle la modernité s'est opposée et de poursuivre la cause du progrès.

L'ambition de devenir encore plus progressiste que les penseurs de la Modernité est généralement ce qui retient le plus l'attention. C'est comme si les modernistes ne faisaient que déplacer la Modernité à la place de la Tradition et se substituaient à la véritable avant-garde. C'est l'approche des « exotéristes de gauche » (Mark Fischer, Nick Srnicek, etc.).

Pour eux, les classiques de la philosophie postmoderne, et en premier lieu Gilles Deleuze, ont quelque chose de « lumineux », de « libérateur » et de « révolutionnaire ».

Mais il y a aussi les « accélérationnistes de droite » (Nick Land, Reza Negarestani, etc.), qui comprennent toute l'ambivalence de la modernité et ne détournent pas leur regard de ses aspects les plus sombres - après tout, en écrasant la modernité, les modernistes jettent aussi le tabouret sous leurs propres pieds, quand ils sont accrochés à la potence, puisque le progressisme et la foi en un avenir meilleur n'ont plus de fondement.

Cela affecte également la lecture de Deleuze, dans laquelle les « Accélérationnistes de droite » commencent à discerner des côtés tout à fait sombres. C'est ainsi que naît la figure du « sombre Deleuze », dont le travail ouvertement destructeur de démantèlement des illusions du monde moderne (de la modernité) apparaît dans une perspective plutôt infernale. Bienvenue dans les « Lumières sombres ».

En tout état de cause, les modernistes de gauche comme de droite ne se tournent pas vers la Tradition, mais leur lecture de la Modernité elle-même est polaire. De même, l'attitude des modernes à l'égard des fondateurs de la philosophie de la modernité semble très différente.

J'essaierai d'examiner la relation entre deux figures emblématiques de la philosophie : Leibniz et Deleuze.

L'un a appartenu au début de la modernité, l'autre en a résumé les résultats et a marqué l'épanouissement de la postmodernité. Je ne porterai pas de jugement définitif sur la manière dont Deleuze doit être compris, qu'il s'agisse de l'ombre ou de la lumière. J'essaierai simplement de retracer ce que le système de Deleuze fait de la « monadologie ».

Extrait du livre : Optimisme eschatologique.

Traduction par Robert Steuckers