Le mythe sanglant de la Révolution d’octobre 1917
Les aficionados de Lénine et du socialisme réel, et il en est encore beaucoup trop sous le Soleil de Satan, ne seront pas déçus. Désormais il faut être brutal. Au XXIe siècle nous n’avons plus de temps à perdre si nous voulons en finir avec les mensonges meurtriers du siècle précédent. Car avec l’avènement des grands médias de masse, la radio, le cinéma, la télévision et maintenant la Toile et les réseaux, l’histoire a été inlassablement réécrite au cours des cent dernières années passées, afin d’incruster dans les esprits une infernale mythologie au service d’idéologies dominantes et en apparence seulement, concurrentes : le communisme et le libéralisme ultra. L’on peut ainsi affirmer « qu’au sein de la Matrice, nous baignons dans le liquide amniotique du mensonge »… « Ces mensonges qui nous ont fait tant de mal » avait dit lucidement le vainqueur de Verdun lorsque s’était ouvert le grand bal du diable que fut la Seconde guerre mondiale.
Commençons, afin de déblayer le terrain en déboulonnant quelques idées reçues à la peau dure. Observons, comme le dit si bien l’historien du communisme Michel Heller (né selon Wikipédia en 1922 dans une famille juive ouvrière de Moscou) en ouverture de son livre « 70 ans qui ébranlèrent le monde » (1987), que le mensonge extensif aura été la principale méthode de travail des historiens soviétiques (mais pas seulement), aussi est-il recommandé de prendre son souffle pour qui veut remonter le Niagara de la désinformation… Quant au mensonge par omission ou complaisance coupable, il aura été, en Occident, l’apanage des faiseurs de mythes professionnels, historiens, journalistes, écrivains en mal de public, démagogues et propagandistes [1].
Enfin, pour qui se penche sur les ombres du passé, il est remarquable de voir le fossé séparant l’histoire telle qu’elle fut d’avec le récit légendaire qui, au fil du temps, en a résulté. Mythologie qui, il est vrai, vient se greffer sur une conception du monde très ancienne, pour ne pas dire archaïque (toujours affleurante dans le cerveau limbique des hommes actuels), voire prélogique (religieuse), imprégnée du rêve et de la nostalgie d’un Âge d’or. Or si nous voulons éviter de retomber dans les mêmes errements - à savoir la guerre, civile ou internationale, le totalitarisme, les massacres de masse – qui accompagnent toutes les tentatives de retour à cet Éden primitif, nous aurions tout intérêt à connaître, afin d’en déjouer les pièges, les mécanismes de la pensée collective et les manipulations qui nous ont trop souvent conduits dans l’histoire récente sur le chemin de l’abîme.
Quelques thèses peu orthodoxes
• Premièrement il n’y a pas eu de révolution en Russie, mais un coup d’État, les bolcheviques ayant ramassé un pouvoir qui traînait dans le caniveau en raison de l’impuissance des sociaux-démocrates mencheviks. Le croiseur Aurore tire à blanc sur le Palais d’Hiver avant qu’une centaine d’hommes ne s’en empare et en son sein, le siège du gouvernement menchevique. Rien à voir donc avec les images grandioses et exaltantes du film d’Eisenstein, grand précurseur des magiciens hollywoodiens de l’imaginaire. Ceci fut possible parce les bolcheviques (majoritaires au sein du parti social-démocrate) constituaient, avec quelques centaines ou milliers d’hommes, un groupe homogène, ethniquement soudé, de révolutionnaires professionnels [2].
• Cette homogénéité ethnique qui fit la force des bolcheviques est aujourd’hui totalement passée sous silence… à commencer par Michel Heller, notre auteur de référence, qui n’en accuse pas moins ses collègues historiens de pratiquer le mensonge de façon systémique. Reste que ce « Grand secret [3] » n’en est pas un, c’est un secret de Polichinelle car tout a été dit dès le premier jour quant à la nature du pouvoir léniniste, ceci par une foule de témoins crédibles et d’historiens sérieux, mais peu ou pas connus du public. Plus tard, le coup d’État devint, mutatis mutandis, une “révolution” et ses acteurs devinrent des russes parmi d’autres, et non plus des individus issus de communautés non slaves et de religion non orthodoxe.
• Le but de cette prise au pouvoir en Russie n’a jamais été l’affranchissement à proprement parler des classes laborieuses russes, paysans et ouvriers, mais l’allumage, le coup d’envoi de la révolution mondiale. D’ailleurs Lénine, revenu tardivement en Russie, en avril après la révolution des menchéviks de février, ne croyait pas à une révolution en Russie.
• Lénine n’est pas du tout un théoricien du socialisme contrairement à ce que croit l’opinion. Il pense que le socialisme va s’instaurer avec des recettes simples, des recettes de cuisinière, une fois la prise du pouvoir achevée. Que tous, d’un même élan, vont y contribuer plus ou moins spontanément. Que les paysans vont ouvrir leurs greniers à blé pour nourrir les ouvriers qui vont ardemment travailler à la prospérité commune. Les choses ayant aussitôt démenti ce pronostic idyllique, il est cependant difficile de taxer Lénine et sa bande, de naïveté…
• Lénine est en fait uniquement un stratège machiavélien de la prise du pouvoir et de sa pérennisation par la violence accoucheuse de l’histoire (cf. Marx et Sorel [4]) et par suite, avec Robespierre et Netchaïev, un praticien de la terreur comme moyen de garder les rênes du pouvoir entre ses mains.
• La grande contribution à l’histoire de Lénine aura donc été, sous couvert d’édification du socialisme (une expression vide de sens, un concept logomachique Lénine n’ayant rien construit mais abondamment détruit), autrement dit la théorisation, l’invention et la construction de l’État totalitaire. Nous avons en effet un emboîtement de poupées russes toutes vides jusqu’au noyau central : les soviets, le Parti, le Comité central et le Praesidium du Soviet Suprême coiffé par le Politburo lui-même dirigé par Lénine et ses successeurs… Voilà à quoi se résume la construction du socialisme, à une pyramide de pouvoirs exécutifs obéissant à une seule volonté de fer.
• Il s’agit donc de la reconstruction, sous une forme inédite, de l’autocratie tsariste, mais avec la généralisation de la servitude et la création d’une nouvelle aristocratie, le Parti. Ce schéma vaut toujours actuellement, par exemple dans une version hybride, libéraliste, en Chine populaire, puisqu’à l’occasion du XIXe Congrès du Parti communiste, le président Xi est devenu, le 24 octobre 2017, à la suite de Mao Tsé Toung, un nouvel Empereur céleste concentrant tous les pouvoirs entre ses mains à l’instar de Joseph Staline, de Nikita Khrouchtchev, de Léonid Brejnev ou d’Andropov.
• La société totalitaire dont Lénine jette les bases – société qui se veut et se prétend égalitaire – est en réalité une société de castes avec ses élus de droit divin, ses privilégiés, ses nantis, ses exclus, ses parias et ses sous-hommes dépouillés de tous les droits, même les plus élémentaires… sauf celui de participer à l’édification du socialisme dans les bagnes pédagogiques du grand Nord sibérien.
• Du point de vue psychologique Lénine ne connaît aucune barrière morale, c’est un nobliau Kalmouk d’ascendance grand maternelle juive. L’une de ses sources d’inspiration aura été le « Le catéchisme révolutionnaire » (1868) du nihiliste Serge Netchaïev et de l’anarchiste Mikhaïl Bakounine, pour qui seul compte le but à atteindre, ceci justifiant tous les moyens, à commencer par la violence sans limites… Au cours de sa carrière, Lénine se fera successivement faux monnayeur, chef de gang terroriste (mais là c’est bien entendu une qualification relevant de la morale bourgeoise), agent double lorsqu’il accepte de trahir son pays au profit du Reich allemand [5]. Quoique la notion de trahison n’ait aucun sens pour lui [6] ! Ajoutons que sa morale sera de la même manière celle de l’américano-tchèque Madeleine Albright, secrétaire d’État du président Bill Clinton (1997/201), laquelle pensait, sans état d’âme, que les pertes humaines liées à l’embargo imposé à l’Irak après la première du Golfe de février 1991 (un demi million d’enfants d’après les rapports de l’Unicef), était « le prix à payer » [7] !
Le contexte du coup d’Octobre
Contrairement au préjugé courant, la Russie n’était pas à cette époque un État régressif, sous-développé ou stagnant. Elle connaissait au contraire « un développement économique sans précédent » (selon l’économiste Edmond Théry en mai 1913). Dans ce pays encore essentiellement rural pour une population de 160 millions d’âmes, une loi de 1908 avait rendu obligatoire l’enseignement primaire. L’application de cette mesure est (hélas gelée par le coup d’État) ne sera finalement menée à terme qu’en 1930, soit neuf ans après la fin de la guerre civile. En 1915, 51% des enfants de 8 à 11 ans sont scolarisés et 68% des appelés au service militaire sont alphabétisés.
En 1905, près la défaite devant le Japon et la tentative de révolution (ou Trotski et Parvus alias Israël Lazarevitch Gelfand – le théoricien de la révolution permanente - jouent un rôle majeur), l’empire devient une quasi monarchie constitutionnelle dotée d’une assemblée, la Douma, où toutes les tendances et les partis sans exception sont représentés. En 1906, Piotr Stolypine, président du conseil, donne aux paysans la faculté d’acquérir la parcelle de terre communale (mir) qu’ils exploitent. Fin 1912, grâce à cette réforme agraire (qui a fait suite à l’abolition du servage en mars 1861 à l’initiative d’Alexandre II… assassiné dix ans plus tard en 1881), les paysans acquièrent le droit de racheter les deux tiers des terres cultivées. Soit 22 millions d’hectares et un million d’exploitations individuelles… « Si cette réforme avait été conduite à son terme– dira Trotski - le prolétariat russe ne serait jamais parvenu au pouvoir en 1917 ».
Stolypine sera assassiné en septembre 1911 par un social-révolutionnaire juif (Wiki), indicateur de police, agent double et provocateur [8]. Notons que le mir et le servage agraire seront remis en vigueur par le régime communiste sous le nom de kolkhoze. Et quand Lénine soulève la paysannerie en lui promettant « la terre », cette propriété est évidemment dévolue au mir et jamais à l’individu. Staline pour sa part instaurera dans les années Trente le servage ouvrier.
La révolution de mars 1917 dans le contexte effroyable de la guerre, advint alors que nul n’y croit. Sociaux-démocrates et sociaux-révolutionnaires agrariens ne jugent pas les conditions réunies. Seul un concours de circonstances – l’écroulement du pouvoir en château de cartes – conduiront les mencheviks au pouvoir. En exil à Zurich, Lénine est le plus sceptique de tous, il croit possible une révolution en Suède… ou en Suisse [9] . Le 2 mars le tsar Nicolas II abdique au profit de son oncle qui se défile. Le 16 mars la Douma crée un Comité provisoire pour « le rétablissement de l’ordre gouvernemental et public » qui donne naissance à la République démocratique russe. À l’automne le vide et l’impuissance du pouvoir deviennent patent. Le coup d’État qui renverse la république menchevik intervient dans la nuit du 25 au 26 octobre 1917.
Le coup d’Octobre
Le 3 avril Lénine, après avoir négocié avec Berlin (notamment par le truchement de Parvus), s’est embarqué dans un train allemand qui va le conduire aux portes de la Russie. Il arrive le 16 avril à Petrograd avec une quarantaine d’autres révolutionnaires professionnels. Le prix à payer pour l’aide allemande est le retrait de la Russie de la guerre ce qui, en soulageant l’Allemagne sur le front oriental, lui permettra de concentrer ses forces à l’Ouest contre les Alliés. Ce sera la paix séparée de Brest-Litovsk à laquelle Trotski, qui participe à la négociation de cette « Paix honteuse » (dira Lénine), s’y est dans un premier temps opposé. Le social-démocrate Trotski (qui n’appartient pas à la faction bolchevique), n’arrivera pour prendre le train de la révolution en marche, qu’au mois de mai de New York… avec en poche des fonds que lui a remis le banquier philanthrope Jacob Schiff (le Soros de l’époque qui avait financé la guerre russo-japonaise au profit du camp nippon). Il est accompagné d’une centaine de ses coreligionnaires tirés des bas-fonds de Brooklyn. Ceux ne parlant pas russe pour la plupart, n’en constitueront pas moins les cadres de la révolution en occupant des postes de commissaires dans les secteurs sensibles de la nouvelle administration.
À son arrivée en Russie en avril, Lénine et ses commensaux, lancent aussitôt (avec l’or de la Wilhelmstrasse) la publication de 17 titres de presse pour un tirage quotidien de 320 000 exemplaires. Presse qui diffusent les slogans qui seront les ferments de la guerre civile : « La terre et la paix » ou « Pillez ce qui été pillé »… Plus aucun doute ne subsiste sur la réalité du financement allemand de Lénine depuis l’ouverture des archives allemandes de cette période en 1945. Une preuve parmi d’autres que Lénine savait faire feu de tout bois avec un cynisme exemplaire… En juillet, le 3, la garnison de Petrograd craignant d’être renvoyée sur le front s’est mutinée. Elle est rejointe le lendemain par dix mille marins de Cronstadt (les mêmes que Lénine fera massacrer avec leur famille en mars 1921 parce qu’ils demandaient un retour à la démocratie). Mais le soviet de Petrograd met un coup d’arrêt au mouvement en rendant public un ensemble de documents attestant de la connivence de Lénine avec le Reich allemand et le financement des bolcheviques avec son or. Prudent Lénine se réfugie en Finlande pour se faire oublier et ne rentre que fin septembre quand la polémique s’est calmée. La conclusion finale de cette prise du pouvoir par une organisation terroriste, interviendra dans la nuit du 5 au 6 janvier 1918 avec la mascarade d’une Assemblée constituante… laquelle n’aura vécu que le temps d’être congédiée par des marins pressés de retrouver leur bat-flanc.
Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine
Lénine est un pragmatique étranger à toute morale dite bourgeoise. C’est au sens propre un amoraliste radical, un homme qui n’a pas froid aux yeux. Sa seule morale est celle de l’efficacité, c’est au sens littéral un anoméen sans foi ni loi. Il n’a qu’un but, la Révolution mondiale. De la Russie, il n’a pas véritablement cure, parce que la conquête du pouvoir à Petrograd n’est qu’un tremplin vers l’internationalisation du communisme. Pour ce faire il convoquera à Moscou, le 2 mars 1919, en pleine guerre civile, la IIIeInternationale, autrement appelée Komintern. Elle se réunira dès l’année suivante en Azerbaïdjan, à Bakou avec pour objet l’embrasement des peuples d’Asie : Iran, Afghanistan, Indes, Chine…
En fait Lénine contrairement à ce que son mythe pourrait laisser supposer n’est pas un théoricien qui prolongerait la pensée de Karl Marx. Il s’attache exclusivement à penser les conditions d’un passage de la théorie à la pratique révolutionnaire. C’est un organisateur et un orchestrateur. En 1902, il publiait un opuscule « Que faire ? » par lequel il se démarquait nettement de la doctrine marxiste qui voyait le communisme comme l’aboutissement des luttes ouvrières. Dans une perspective volontariste, Lénine ne croit la révolution possible que dirigée par une avant-garde de révolutionnaires professionnels (une idée puisée dans le Catéchisme de Netchaïev [10] qui parle de secte et d’initiés). Ceux-ci fonderont leur action sur la Terreur d’État. Car Lénine, mais plus encore, Trotski sont a priori et exclusivement des théoriciens et des praticiens de la dictature du prolétariat, vocable qui recouvre le gouvernement des masse par la Terreur.
Tout deux considèrent que rien, absolument rien n’a de valeur hormis ce qui concourt à la révolution. Acte fondateur qui, d’un coup de baguette magique doit établir le socialisme… cette entité abstraite que personne n’a jamais vue (sauf à travers les pénuries, les famines et les camps de rééducation), cette hideuse idole qui broie les hommes corps et âmes. Son credo se nomme Destruction.
Toute la pensée et l’activité de Lénine sont uniquement dirigées vers la prise du pouvoir puis vers sa consolidation : comment établir et maintenir la dictature du prolétariat qu’avait imaginé Marx ? Quand Lénine théorise, c’est à propos du communisme de guerre, de la terreur d’État, du Parti unique, puis des structures aboutissant à la fondation, à l’exercice et la pérennisation d’un pouvoir strictement monocéphale. La solution est simple : il faut un pouvoir homogène, exclusivement bolchevique, exerçant ad libitum, pour avoir les mains libres, la terreur politique.. Si la dictature du prolétariat, concept opérationnel marxiste, est inscrit dès l’origine dans le programme du parti social-démocrate, Lénine en fait l’alpha et l’oméga de son credo politique… ainsi, la dictature « est un pouvoir que rien ne vient limiter, qu’aucune loi[morale], aucune règle n’entrave et qui s’appuie directement sur la contrainte ». Mais en quoi la prépotence d’un illuminé peut-elle se confondre avec l’inaccessible utopie du socialisme ?
En moins de trois ans Lénine va dans un premier temps réinventer l’autocratie impériale (pour son compte et au sein d’un régime impitoyable se revendiquant paradoxalement de l’amour de l’humanité) puis en mars 1921 réinventer le capitalisme des origines avec la Nouvelle Politique Économique. Sur cette base, Staline reviendra vite aux premiers errements et sa construction du socialisme consistera consolider toujours plus l’architecture de ce régime totalitaire en son essence. Un régime monolithique dont les bases furent personnellement jetées par Lénine et qui restera inchangé du début à la fin de l’empire soviétique, c’est-à-dire jusqu’à l’élection de Gorbatchev en mars 1985 au poste de Secrétaire général du PCUS.
La Terreur, pilier de la puissance d’État
Il faut y insister tant l’idée, dans sa grande simplicité, peut apparaître incongrue : l’unique contribution de Lénine à l’édification d’un socialisme réel (que personne n’a jamais vu [11]) fut exclusivement de jeter les bases de la société totalitaire… Deux jours après le coup d’État, Lénine supprime par décret la liberté de presse et institue les organes de la dictature prolétarienne. À commencer, le 7 décembre 1917, par la Vétchéka, la Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage. Il en confiera la direction au Polonais Félix Dzerjinski. En décembre 1917 il n’est évidemment pas encore question de guerre civile, mais rien n’est oublié afin d’écraser ou de prévenir toute tentative d’insoumission au nouvel ordre bolchevique [12].
L’assassinat le 30 août 1918 du président de la Tchéka de Petrograd, Moïsseï Ouritski [13], puis le même jour, la tentative (lors d’une visite d’usine), de meurtre sur Lénine, perpétrée par Dora Kaplan, une social-révolutionnaire, vont accélérer l’instauration de l’État terroriste. Dès l’annonce de ces attentats, ce sont quelque 1800 « otages de la bourgeoisie » qui sont massacrés entre le 31 août et le 4 septembre par la Tchéka dans des prisons de Petrograd et de Kronstadt. Ces deux attentats contre les dirigeants bolcheviques serviront de prétexte ou de déclencheurs à l’institutionnalisation de la terreur de masse et la promulgation du décret « Sur la terreur rouge » en date du 5 septembre 1918. Ce texte enjoignant d’« isoler les ennemis de classe de la République soviétique dans des camps de concentration et de fusiller sur-le-champ tout individu impliqué dans des organisations de Gardes Blancs, des insurrections ou des émeutes ».
À partir de là, le recours à la terreur systémique va devenir un élément structurel de l’affirmation et de la consolidation au pouvoir de la nouvelle classe dirigeante. Ses missions premières sont : les confiscations, les expulsions, le retrait des cartes d’alimentation, la publication des listes des ennemis du peuple, les exécutions sommaires de tous suspects et les déportations… Parce que le débouché naturel de la Tchéka sont les camps de travaux forcés qui préfigurent ce qui deviendra sous Staline l’Archipel du goulag dans la région septentrionale de la Kolyma. Déportations qui n’avaient rien de commun avec celles que connurent Lénine et Trotski, éloignements ressemblaient plus à des astreintes à résidence et pendant lesquelles nos révolutionnaires se livrèrent abondamment aux loisirs de la chasse [14].
Les dernières années du tsarisme ne furent bien entendu pas ce que ses ennemis en ont fait et en ont dit. Il s’est agi d’un régime bénévolent, trop souvent d’une indulgence coupable avec les terroristes sanguinaires qui pullulèrent jusqu’en 1905 et qui pour beaucoup se recrutaient dans les rangs de la bourgeoisie ou de la noblesse aussi bien que dans les bas-fonds. Les marxistes ont toujours dénoncé les révolutions bourgeoises (à commencer par celle de 1789), mais y a-t-il jamais eu d’autres révolutions que bourgeoises [15] ? Le père de Lénine lui-même n’était-il pas un fonctionnaire anobli par le Tsar ? Ce qui n’empêcha pas le frère aîné de Lénine d’être pendu en 1887 pour avoir participé à une conjuration visant la vie du souverain. La compagne de Lénine, Nadejda Kroupskaïa, appartenait elle aussi aux classes aisées, tout comme Trotski, alias Bronstein, dont le père était gros propriétaire terrien et marchand de blé. La révolution dans les faits est toujours une affaire de bourgeois peut-être frustrés, en tout cas toujours habités d’ambition dévorante fût-ce sous couvert de philanthropie débridée.
En novembre 1918 [16], alors que la guerre civile a effectivement commencé, un texte paru dans le Journal La Terreur rouge le 1er novembre 1918 signé Martyn Latsis résume assez bien la philosophie de Lénine en la matière : « La Commission extraordinaire n’est ni une commission d’enquête, ni un tribunal. C’est un organe de combat dont l’action se situe sur le front intérieur de la guerre civile. Il ne juge pas l’ennemi : il le frappe. Nous ne faisons pas la guerre contre des personnes en particulier. Nous exterminons la bourgeoisie comme classe. Ne cherchez pas, dans l’enquête, des documents et des preuves sur ce que l’accusé a fait, en acte et en paroles, contre le pouvoir soviétique. La première question que vous devez lui poser, c’est à quelle classe il appartient, quelle est son origine, son éducation, son instruction et sa profession. Ce sont ces questions qui doivent décider de son sort. Voilà la signification et l’essence de la Terreur rouge ».
La liste des fusillés et autres exécutés fut publiée dans le journal hebdomadaire de la Tchéka, de cette manière, il a été établi que 1,7 millions d’ennemis de la révolution furent expédiés ad patres entre 1918 et 1919, principalement des paysans… et des ouvriers dont tout le crime consistait à réclamer des rations alimentaires analogues à celle de l’Armée rouge. Lénine exige personnellement l’exécution massive des grévistes pour « sabotage ». Les rapports officiels de mai 1922, mentionnent qu’en outre 1.695.904 personnes furent éliminées de janvier 1921 à avril 1922. Les estimations officielles et les historiens politiquement corrects, comme toujours en pareil cas, estiment, eux, le total des victimes de la Terreur rouge à 140 000 !
Mai 1922, la guerre civile étant éteinte, Lénine modifie de sa propre main un projet de nouveau Code pénale pour faire de la Terreur l’un des piliers du communisme [17]. Terreur dont il entend motiver « l’essence et la justification »… « en les fondant et en les légalisant en leur principe ». Car il importe « d’élargir la peine de mort à toutes les activités mencheviques [sociaux-démocrates] et socialistes révolutionnaires ». La révolution permanente (un concept vulgarisé par Parvus mentor de Trotski), est par conséquent à l’intérieur du territoire soumis à l’arbitraire bolchevique – les faits parlent d’eux-mêmes - la guerre perpétuelle et sans limites du Parti contre la société civile… travaillée sans relâche par tous les démons de la réaction !
Le communisme en acte
Le 10 octobre 1917, Lénine qui arrive de Finlande où il s’était mis en retrait, participe au Comité central qui décide du coup d’État, celui-ci devant intervenir le 21 du mois courant. Ce sera le jour où le Comité militaire révolutionnaire intimera l’ordre aux forces armées de ne plus obéir qu’à lui : il n’y aura pas (contrairement à légende mordorée et aux images de propagande fabriquées a posteriori), de combats héroïques contre un ennemi livrant un combat acharné. Le Congrès des Soviets instaure derechef un « gouvernement provisoire ouvrier et paysan ». Des mots qui s’avéreront rapidement creux et pire, mensongers. Le 24 janvier Lénine qui a du mal à croire à sa victoire, s’extasie sans fausse honte sur le « miracle » qui lui a fait déjà dépasser de cinq jours la durée de vie de la Commune de Paris ! Reste que -il en est convaincu - le coup d’État d’Octobre est l’étincelle qui va allumer l’incendie de la révolution mondiale… tout comme pour Netchaïev pour qui, hors le Parti (les Initiés), le peuple n’est que le matériau de la révolution et qu’à ce titre il est sacrifiable [18]… consommable dirait-on de nos jours.
Le Coup d’octobre se conclut le 5 janvier par la réunion d’une Assemblée constituante qui devait être l’expression de la volonté du peuple. Constituante aussitôt, et pour toujours, dissoute quelques heures plus tard au petit matin du 6. Entre-temps des élections prévues avant le coup d’État, se sont déroulées fin novembre : sur 36 millions de votants, Lénine et ses partisans n’en ont recueillis que 9 millions, soit moins du quart ; les sociaux-démocrates réformistes 59,6%. La messe rouge est dite, seule une politique de force absolue peut permettre à Lénine et ses séides de se maintenir à la tête du pays contre la volonté populaire. Une nécessité qui va permettre de masquer la faillite immédiate de toutes les prétentions bolcheviques à construire le socialisme… Le socialisme de guerre va tout justifier, les privations, les exécutions, les tortures, l’élimination exhaustive de catégories sociales et de groupes ethniques en leur entier [19].
Pour Lénine le communisme mis en pratique se résume [20] à la réquisition et à la répartition. Seulement voilà, la paysannerie va se rebeller contre les réquisitions forcées. Les idéologues ont une forte tendance à oublier les fondamentaux de la nature humaine, à commencer par l’instinct de conservation. En mai et juin 1918, la réquisition autoritaire du blé devient « la base de la construction du socialisme » (Lénine). La liberté promise se fait servitude. Et autrement plus dure, plus impitoyable que sous les tsars. La guerre est déclarée aux ruraux. Des milliers de jacqueries éclatent sur toute l’étendue du territoire parallèlement aux révoltes ouvrières, toutes atrocement réprimées par l’Armée rouge et sanctionnées par des massacres et des déportations sans retour. Et ce… jusqu’à ce que Lénine jette l’éponge en 1921, reconnaisse son échec et revienne sine die à la libre entreprise et au capitalisme primitif [21]. Quand il meurt en janvier 1924 nul ne parle alors de mettre fin à la NEP, la Nouvelle économie politique, ce que fera toutefois Staline en reprenant l’entreprise d’esclavagisme collectiviste là où Lénine l’avait abandonnée en 1921, trois ans avant sa disparition. Ce sera l’étatisation des terres avec la dékoulakisation, ceci au prix de terribles hécatombes. Notamment en Ukraine et au Kouban où les grandes famines préméditées de 1932 et 1933, le fameux Holodomor, feront plusieurs millions de victimes… et seront marquées de rouge par des pratiques cannibales. Une période qui serait à comparer au Grand Bond en avant chinois (1958/1962) et ses trente millions de morts estimés [22].
Le communisme de guerre
On devine ici que le communisme de guerre – un euphémisme - est la forme que prend en 1918 la dictature du prolétariat, et qu’il n’est pas a priori la réponse apportée à une contre-révolution blanche se développant effectivement sur le terreau fertile des révoltes populaires et du rejet auto-immunitaire du bolchevisme. La disette et les pénuries sont mécaniquement déclenchées par l’interdiction du commerce privé et par le monopole étatique de la répartition des approvisionnements. Ce ne sont donc pas les combats de la guerre ni le froid de l’hiver qui en sont l’origine, mais bien la politique délirante, à marche forcée, d’un prétendu socialisme. À savoir la réalisation d’une utopie sans contenu précis et opérationnel, dirigée dans la pratique d’abord contre ceux qu’elle devait émanciper et servir.… Ceci pour leur plus grand malheur. De toute évidence le prolétariat n’a pas répondu pas aux attentes de Lénine. Celui-ci en vérité le méprise. Dans son discours « Comment organiser l’émulation ? » (décembre 1917), les paysans propriétaires sont assimilés à des « insectes nuisibles », à des « poux », à de la « vermine », des « microbes ». Il faut, écrit Lénine, « épurer », « nettoyer », « purger » la société russe des « puces », des « punaises », des « parasites » qui l’infectent. Et pour ce faire tous les moyens seront bons [23].
En 1922, au XIe Congrès, Lénine, l’industrie étant détruites, les usines arrêtées, fera l’amer constat que le « prolétariat a disparu ». Sinistre et surréaliste bilan pour le prophète messianique de la révolution prolétarienne. Mais ce constat n’a rien d’une révélation tardive : dès 1904, immédiatement après le IIe Congrès du parti social-démocrate dans le schéma léniniste, le parti a déjà pris la place de la classe ouvrière. L’organisation celle du parti se substitue aux soviets et au parti lui-même, le dictateur enfin remplace le Comité central”. Le communisme n’est au bout du compte que la dictature d’un parti pyramidal et monolithique, au sommet duquel trône un seul homme, omnipotent et infaillible.
Or non seulement à l’issue de la terrible période du Communisme de guerre « le prolétariat a disparu », mais il a été à l’arrivée remplacé par la dictature d’une camarilla de politiciens et de bourreaux, ethniquement homogène, étrangère à l’âme et à la terre russes et soudée par ses instincts prédateurs. Une nomenklatura qui va mettre le pays en coupe réglée jusqu’à ce qu’elle soit à son tour étrillée par le tsar rouge que sera Staline. Lequel, à la suite du premier plan quinquennal (ratifié en avril 1929 par XVI conférence du parti), lancera les grandes purges des années Trente sous couvert de luttes des classes à l’intérieur même du Parti. Lesquelles seront – de toute évidence - une sorte de seconde révolution destinée à prolonger et à poursuivre l’édification de l’État totalitaire (réputé socialiste) sur les bases jetées par Lénine… Et comme la construction du communisme (celle d’un parti totalitaire sans autre finalité que lui-même et le pouvoir absolu) requiert ou suppose pour le Parti, à travers son chef, une prépotence illimitée, toute l’histoire non hollywoodienne et non fantasmée du communisme se résumera à la réalisation de ce postulat.
Un système historiquement inédit… L’État totalitaire
Relisez 1984 de George Orwell (un socialiste repenti), en 1918 la réalité dépasse déjà la fiction : tout est interdit, contrôlé à la manière du « Despotisme oriental » que décrit Karl Wittfoge [24]l, mais en plus méthodique, en plus implacable. Ce monde sans classe est celui pourtant où va se développer à outrance une hiérarchisation distinguant entre parias (les représentants des anciens cadres de la nations : prêtres, bourgeois, fonctionnaires, intellectuels, officiers, notables), autrement dit des sous-hommes… Des catégories maudites qu’il faut éliminer physiquement par la mort et la déportation. Contrairement à ce que l’on imagine les Khmers rouges de Pol Pot n’ont rien inventé et apparaissent avec le recul comme de petits artisans en comparaisons des boucheries industrielles de la révolution bolchevique.
En effet la première constitution de la RSFSR place au sommet le prolétariat d’essence divine (insistons : qu’il n’existe pas en fait en dehors du parti, lui-même écran devant l’appareil d’État et ses différents échelons jusqu’à la pointe sommitale), puis les différentes classes paysannes (prolétariat rural, paysans pauvres, moyens pauvres et moyens). Les koulaks (les propriétaires terriens) étant remisés dans le sous-groupe des lichensty, soit les commerçants, les membres du clergé orthodoxe, bref tous ceux qui ne vivent pas de leur travail. La terreur va dans ce cadre épistémologique constituer « l’instrument d’une politique d’hygiène sociale visant à éliminer de la nouvelle société en construction des groupes définis comme ennemis ». Sont ainsi voués à la mort, sociale ou physique, la « bourgeoisie », les propriétaires fonciers et les koulaks, ces « paysans exploiteurs » qu’il faut « épurer » ou dont il faut « purger » la société russe [25].
La société à vocation fondamentalement égalitaire est en réalité une société de castes. La société sera épluchée, tel un oignon, couches sociales par couches sociales, pour en éradiquer tous les porteurs des germes, de coutumes, de traditions ou d’habitudes de l’ancienne société. En fait ce sont des classes d’âges toutes entières qui seront épurées [26]. Le prix à payer pour forger un homme nouveau. Sous cet angle, la création de la Vétchéka au lendemain de la prise du pouvoir par les bandes organisées bolcheviques, doit être regardée comme un acte de guerre préventive dirigé non seulement contre les anciennes classes dirigeantes (favorables en majorité à la révolution sociale-démocrate), mais également contre la nation russe elle-même et les peuples qui lui sont associés au sein de l’Empire. La Vétchéka en tant qu’ « organe de justice immédiate » est dotée de pouvoir illimités à l’image du guide suprême.
Bilan d’un pouvoir sans partage
Privée d’unité, partagée, divisée entre plusieurs chefs qui sont loin de posséder le pouvoir de Lénine, la contre-révolution sera finalement écrasée après bien des spasmes et des flots de sang. Selon Michel Heller déjà cité, les « Blancs » ont réagi de manière conventionnelle, en militaires et non pas compris que la guerre civile avait endossée de nouveaux habits, ceux d’une guerre hybride tout à la fois politique, idéologique et messianique. La combinaison de la terreur et de la promesse de la Jérusalem terrestre formant un couple infernal mais terriblement efficace.
Pour justifier la terreur, les famines, les pénuries, les bolcheviques vont su renverser la preuve : (inversion accusatoire) ce n’est pas la politique léniniste qui est cause de la misère générale, mais les blancs, les réactionnaires, les suppôts de la tyrannie. Si les blancs pratiquent occasionnellement la terreur et les massacres, cela reste cependant presque artisanal, conjoncturel face à une Terreur d’État, systématique, impitoyable, méthodique. Terreur qui n’ rien de locale, mais vise des groupes sociaux tout entier, voire à la totalité du pays et l’Armée rouge elle-même par le biais de ses commissaires politiques.
Mais quoique victorieux militairement le 1er mars 1921 les marins de Cronstadt qui ont été l’un des fers de lance de la « révolution », exigent la réélection des soviets, la liberté de parole, de presse et de réunion, le droit de former des syndicats et des groupements paysans, ils publient un manifeste intitulé « Pourquoi nous luttons » : « Par la Révolution d’Octobre, la classe ouvrière espérait obtenir son affranchissement. Mais le résultat est un asservissement plus grand de la personne humaine… le parti communiste russe n’est pas le défenseur des travailleurs qu’il prétend être, que ses intérêts lui sont étrangers et que, parvenu au pouvoir, il ne songe qu’à le garder ». Ajoutons, par tous les moyens surtout par une violence atroce.
La révolte de Cronstadt, déclare Lénine au Xe congrès du parti, « est la plus dangereuse de toutes ». Le 2 mars 50 000 hommes sont regroupés qui écrasent sans quartier la rébellion dans la nuit du 17 au 18 mars. La Néva étant encore gelée, les troupes de choc asiatiques et lettones ont pu parvenir sans encombre jusqu’à l’île rebelle. Le 18 mars la presse bolchevique est en totalité consacrée à la Commune de Paris et à la cruauté des Versaillais. Cinq mille marins ont péri dans la forteresse assiégée, plusieurs milliers d’autres avec leurs femmes et leurs enfants seront exécutés, les survivants seront déportés…10 000 morts, 6528 prisonniers dont 2168 seront exécutés.
Tel est le visage du socialisme réel dans sa crue nudité. Le 8 mars, au cours du XeCongrès, alors que la bataille de l’île de Cronstadt sur la Néva est déjà engagée (en vue de réduire dix mille marins séditieux révoltés contre le nouvel ordre terroriste), Lénine annonce l’adoption de la NEP [27], la nouvelle politique économique qui est en fait un quasi rétablissement de l’économie capitaliste, un saut brutal en arrière qui fait s’évanouir les chimères du communisme. Le régime ne survivra finalement que grâce à une aide massive de l’ingénierie et du capitalisme américains [28] . Aide qui ne cessera pas sous Staline, bien au contraire.
Le cauchemar ou le rêve sanglant de Lénine n’aura donc vécu que le temps d’une guerre civile. La terreur d’État va perdurer. Lénine gravement blessé à la nuque en 1919, inopérable pendant longtemps, décédera le 21 janvier 1924. La classe parvenue au pouvoir continuera à se goinfrer pendant que le peuple suivra des décennies durant son long chemin de misère [29].
JMV 27 octobre 2017
Notes
[1] Nombreux furent ceux de cette espèce, tel l’historien Albert Soboul qui ayant exercé un important magistère moral, décrivait Lénine (dernièrement France culture lui restituait la parole post mortem) comme grand, de stature imposante avec une voix puissante et envoûtante, alors qu’il était petit et s’exprimait d’une façon fort peu charismatique. Un flagrant délit de mensonge impressionnant chez l’une des figures dominante de la science historique d’après Guerre. Le mensonge est libre pour qui vient de loin dans l’espace ou le temps.
[2] Initialement les bolcheviques associés aux éléments les plus durs des partis ayant œuvré au renversement du tsarisme, ne représentaient guère plus que quelques dizaines de milliers de militants. Or il parfaitement erroné de penser qu’une minorité ne peut pas prendre seule le pouvoir et ensuite, diriger un empire de 160 millions d’âmes. Une bande de malfaiteurs solidement organisée et déterminée imposera toujours sa loi à une masse amorphe et passive. Songeons aux trente mille Anglais qui régentèrent deux siècles durant (1757/1947) l’énorme masse géographique et humaine de l’empire des Indes.
[3] David Duke « Le grand secret » 2013. « The Mystical Body of Christ and the Reorganization of Society » Denis Fahey 1939 Waterford, Ireland.
[4] Georges Sorel « Réflexion sur la violence » 1908.
[5] Soljenitsyne « Lénine à Zurich » 1975
[6] Trotski « Leur morale et la nôtre » 1938.
[7] Au cours de l’émission « 60 Minutes » de la chaîne américaine CBS News le 12 Mai 1996.
[8] Roland Gaucher « Les Terroriste » 1965
[9] Ibid. Alexandre Soljenitsyne « Lénine à Zurich ».
[10] Chantre de la destruction créatrice à l’instar du néoconservateur américain Mikael Ledeen, Netchaïev ne regarde comme positif que ce qui a des conséquences désastreuses sur la société établie jusqu’à attraire ceux que les révolutionnaires sont censés sauver… « La Confrérie contribuera de toutes ses forces et de toutes ses ressources au développement et à l’extension des souffrances qui épuiseront la patience du peuple et le pousseront à un soulèvement général ». Cf. Maurice Paléologue « Les précurseurs de Lénine » 1938.
[11] « Sans la Révolution d’octobre il n’y aurait pas eu de Révolution chinoise (1949), pas eu de Révolution vietnamienne (1975), pas eu de Révolution cubaine (1959), de Révolution algérienne (1963), bref, il n’y aurait pas eu cette capacité des peuples d’Asie et d’Afrique à reconquérir leur indépendance nationale, et enfin il n’y aurait pas eu la naissance de ces puissances émergentes comme la Chine. Autrement dit, la Révolution d’octobre a inauguré la transformation du monde moderne » Samir Amin in “Révolution d’Octobre et mouvements de libération nationale” - Paris, Sorbonne le 21 octobre 2017. Oui pour ce qui est de la « transformation du monde moderne », mais celle-ci s’est effectuée à partir d’un mythe et sur un mensonge, celui du socialisme. Le socialisme, une idée motrice certes, mais derrière laquelle s’inscrit un sillage inouï de morts et de dévastations. Et dont les résultats sont néant : la Révolution d’Octobre a fait plus régresser la Russie qu’elle ne l’a fait progresser.
[12] Dans un recueil d’archives publié à Moscou en 1975 « Lénine et la Tchéka », Lénine déclare s’être inspiré de la politique de Terreur de Maximilien Robespierre. Ou encore : « Dans la lutte des classes, nous avons toujours encouragé l’usage du terrorisme » (Œuvres Choisies 4e éd. vol. 35 p. 275). Voir également le décret du 5 septembre 1918 relatif à l’instauration de la Terreur Rouge in « Décrets du Pouvoir Soviétique » Moscou 1964 p. 295.
[13] Comme on ne prête qu’aux riches, Ouritski se voit attribuer du 10 mars 1918 au 30 août 1918 (date de sa mort violente), quelque 5 000 assassinats.
[14] Condamné à la relégation pour ses activité subversive (c’est-à-dire à l’exil en Sibérie), Lénine et sa compagne, Nadejda Kroupskaïa, fille de bourgeois cossus, s’installent au bord de la Léna. Séjour d’où lui restera le surnom de Lénine. En 1900, Lénine libéré part avec sa femme en Suisse. Deux ans plus tard, il publie un opuscule : « Que faire ? » où, se démarquant de Karl Marx, il envisage la révolution dans une perspective volontariste parce que dirigée par une avant-garde de professionnels. Dostoïevski dans « Souvenirs de la maison des morts » (1860/62) relate sa propre expérience de déporté du régime tsariste.
[15] Le peuple lorsqu’il lancé dans la brasier révolutionnaire ne sert le plus souvent qu’à départager des factions rivales : les luttes pour le pouvoir absolu ont de facto remplacé les guerres dynastiques d’antan. Pensons à la révolution culturelle chinoise dont le seul et véritable objectif fut d’asseoir Mao Tsé Toung au sommet du pouvoir au motif de purger la bureaucratie de ses éléments révisionnistes.
[16] En mars 1918 quand la Vetchéka se délocalise à Moscou avec le gouvernement bolchevique qui craint l’arrivée des Allemands à Petrograd, regroupe 600 agents et 37 000 hommes en fin d’année… 280 000 début 1921. Par comparaison, l’Okhrana, la redoutée police politique du tyran Nicolas II, ne comptait que 1 500 agents.
[17] À une toute autre échelle, en France pensons à l’état d’urgence désormais inscrit dans le marbre de la loi.
[18] Pour fonder la société édénique « il faut prendre pour corps la seule violence, pour âme le mensonge. La vérité, la confiance mutuelle, la solidarité n’existent qu’entre une dizaine d’individus qui forment le sanctus sanctorum de la société. Tout le reste doit servir comme instrument aveugle et matière d’exploitation aux mains de cette dizaine d’hommes. Il est permis et même ordonné de les tromper de les compromettre, de les voler et même au besoin de les perdre ».
[19] Tel les Cosaques. Le 24 janvier 1919, le Comité central décide d’une politique de « terreur massive contre les riches Cosaques, qui devront être exterminés et physiquement liquidés jusqu’au dernier ». Les villages sont brûlés, leurs habitants exterminés, les rares survivants déportés. Online Encyclopedia of Mass Violence - Sciences-Po Paris 2008.
[20] Lénine « L’État et la Révolution » (1917) et « Les tâches du pouvoir soviétique » (1918).
[21] Ce revirement brutal n’enrayera pas à temps l’effondrement de la production agricole pillée et épuisée par les exactions de l’armée rouge et l’approvisionnement des villes. Situation catastrophique qui enclenchera la grande famine de 1921/1922 et ses cinq millions de victimes
[22] Mao Tsé Toung refusant de limiter les exportations de céréales (lesquelles finançaient le développement de l’industrie), fit cette remarque qui, à elle seule, résume le caractère machiavélien et psychopathique des dirigeant communistes depuis Lénine : « Distribuer les ressources de façon égalitaire ne fera que ruiner le Grand Bond en avant. Quand il n’y a pas assez de nourriture, des gens meurent de faim. Il vaut mieux laisser mourir la moitié de la population, afin que l’autre moitié puisse manger suffisamment ». Liu Shaoqi (qui avait pris la mesure de la catastrophe) fut accusé par Mao d’avoir« lâché pied devant l’ennemi de classe ». Liu rétorqua : « Tant de morts de faim ! L’histoire retiendra nos deux noms et le cannibalisme ». Cf. Zheng Yi « Stèles rouges : du totalitarisme au cannibalisme » Taïwan 1993.
[23] Traduites dans les faits ces idées humanistes conduisirent Trotski, au cours de l’été 1921, au traitement par les gaz de combat des paysans insurgés de la province de Tambov et à des déportations massives des populations de cette nouvelle Vendée… 12 juin 1921, le décret sur la NEP étant paru, Toukhatchevski ordonne de « nettoyer les forêts où se cachent les bandits au moyen de gaz asphyxiants ». Juillet 1921, il fait ouvrir 7 camps de concentration où sont regroupés les « familles des bandits insurgés ». Ces camps comptent, fin juillet 1921, environ 50 000 personnes, en majorité des femmes, des vieillards et des enfants. Le typhus, le choléra, la disette y font des ravages. En automne 1921, la mortalité y atteint 15 à 20% par mois. Au total 100 000 paysans et de leurs familles seront déportés et 15 000 exécutés. Dès 1918, l’État bolchevique se trouve confronté à 245 révoltes paysannes. En 1919, des régions entières passent sous le contrôle des paysans organisés en bande de plusieurs milliers, voire dizaines de milliers d’hommes. Le socialisme était en marche.
[24] Karl August Wittfogel (1896/1988), Allemand et communiste avant d’évoluer en suivant le chemin déjà emprunté par James Burnham, précurseur du néoconservatisme. Il publie aux É-U en 1957 une œuvre majeure d’inspiration marxiste : « Le despotisme oriental » (Oriental Despotism : A Comparative Study of Total Power).
[25] « Crimes et violences de masse des guerres civiles russes (1918-1921) » Nicolas Werth http://www.sciencespo.fr/mass-viole...
La Vétchéka (créée le 10 décembre 1917) avec pour objet la « terreur de masse » comme instrument et promesse d’un monde nouveau, régénéré, purifié. Voir l’éditorial – une pièce maîtresse de la Novlangue - publié le 18 août 1919 dans le Krasnyi Metch (Le Glaive Rouge) de Kiev : « Nous rejetons les vieux systèmes de moralité et d’humanité inventés par la bourgeoisie dans le but d’opprimer et d’exploiter les classes inférieures. Notre moralité n’a pas de précédent, notre humanité est absolue car elle repose sur un nouvel idéal : détruire toute forme d’oppression et de violence. Pour nous, tout est permis car nous sommes les premiers au monde à lever l’épée non pas pour opprimer et réduire en esclavage, mais pour libérer l’humanité de ses chaînes… Du sang ? Que le sang coule à flot ! Puisque seul le sang peut colorer à tout jamais le drapeau noir de la bourgeoisie pirate en étendard rouge, drapeau de la Révolution. Puisque seule la mort finale du vieux monde peut nous libérer à tout jamais du retour des chacals ».
[26] Louis-Charles Royer « L’amour chez les soviets » 1932. Un témoignage à ne pas négliger.
[27] Michel Heller op.cit. p.48 : la NEP, outre la dénationalisation des petites entreprises et le retour au salariat, est avant tout une politique agraire. Le commerce est libéralisé et aux réquisitions en nature se substitue l’impôt agricole… de 339% supérieur à l’imposition directe d’avant 1914.
[28] Alors que s’amorce l’effroyable famine qui fera des ravages de1921 à 1922, l’American Relief Administration fournit une aide alimentaire dont bénéficieront quelque dix millions de personnes en deux ans.
[29] « Ce que j’ai vu à Moscou » 1925. Henri Béraud, alors homme de gauche affirmé (il deviendra plus tard le bras droit de Charles Maurras), n’en revient pas de ce qu’il découvre quelques semaines après la mort de Lénine