LA « TRADICRATIE » AFRICAINE CONTRE LA « NECRI-TUDE »

21.07.2022

Le processus de lutte pour la libération de l’Afrique implique de devoir affronter les maux qui affligent le continent africain sous tous les aspects : sur les aspects économiques, politiques, militaires, culturels et même spirituels/religieux. La partie spirituelle est un aspect délicat, car elle est essentiellement individuelle, et lorsqu’on la traite, il faut être prudent, sans chercher à à créer la division.

AFROCENTRICITÉ ET AFROCENTRISME

Il existe un courant appelé afrocentrisme, qui trouve son origine dans une diaspora africaine présente en Occident. Ce courant est en réalité devenu la démesure d’un autre courant philosophico-politique-identitaire appelé afrocentricité (ou afrocentrité), qui vise à provoquer un changement positif dans la mentalité de l’Africain (après des siècles d’aliénation et d’affaiblissement de son identité), pour assurer que ce dernier place l’Afrique au centre de son paradigme (sans toutefois se fermer au reste du monde). L’afrocentricité, qui est un corollaire des travaux et recherches du Dr Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga, Molefi Kente Asante, vise à construire un modèle paradigmatique dans lequel l’Afrique pourra se focaliser selon son ontologie endogène, sa perception des choses, son cogito, sa philosophie, son savoir, en etant conscient du passé historique géant du peuple africain et de sa contribution à l’Humanité. L’afrocentricité vise un nouveau type d’Homme Africain.

« L’Africain qui nous a compris est celui qui, après avoir lu nos ouvrages, aura senti naître en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée porteur d’une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion » – Cheikh Anta Diop

Si l’afrocentricité peut être salutaire dans une Afrique complètement imprégnée d’un modèle eurocentriste qui s’est imposé avec le colonialisme, il faut être vigilant aux extrêmes. Toute théorie en ce monde, si elle atteint des excès, peut être nocive. A quoi nous faisons allusion ? A l’afrocentrisme qui est  »l’extrémisation », dans un certain sens, de l’afrocentricité, une reconstruction du prisme africain au sein d’une diaspora africaine frustrée. Cet afrocentrisme (presque souvent défendu sur internet) est loin de l’afrocentricité intellectuel d’un Cheikh Anta Diop ou d’un Molefi Kente Asante, car il se base sur un reconstructionnisme moderne et artificiel à travers une égyptolâtrie demesurée, un néo-paganisme idolâtre (appelé kémitisme ) si loin de la Tradition de la culture ancestrale Africaine, une intolérance envers les  » non-kémites  » qui pratiquent des religions révélées (Christianisme, Islam, etc..), l’homophobie dans tout son paroxysme et un négrisme puérile, une haine envers les non-Noirs (alors qu’en réalité en Afrique il y a des oppresseurs noirs aussi bien que des oppresseurs blancs hors d’Afrique, et donc il faut comprendre que ce n’est pas une lutte de couleur, mais contre un système). Cet afrocentrisme des cyber-pharaons kémites, en plus d’être artificiel, n’est pas inclusif. Si un retour à notre pensée paradigmatique est vital pour une transition vers l’âge de l’or en Afrique (comme il fut autrefois), il faudra s’enraciner dans les savoirs primordiaux encore présents dans nos villages sacrés (rempart de la résistance anti-mondialiste et anti-moderne), plutôt que de folkloriser un passéisme comme celui kémétique-nubien avec une reconstruction à travers le regard moderne d’aujourd’hui. Historiquement, Kemet (nom originel de l’Égypte ancienne) doit servir de base à l’Afrique pour la comprendre, comme l’est la Grèce antique et la Rome antique pour l’Europe, mais il faut s’enraciner profondément dans la Tradition de nos pays et mener une action directe d’initiation. Nous pouvons définir ce processus avec le néologisme « tradicratie »(le pouvoir de la Tradition), car dans la réalité ésotérique-traditionnelle (c’est-à-dire cachée et accessible à peux) en Afrique, se trouve notre véritable salut face aux produit du New Age et d’autres forces obscures.

« Celui qui sort du fleuve de la Tradition se perd dans la mer de la décadence. » – Julius Evola

L’INTOLÉRANCE DES CYBER-PHARAONS

Quant à l’intolérance des cyber-pharaons afrocentristes envers les non-kémites, pour eux si vous êtes chrétien, vous êtes leucodermisé, si vous êtes musulman, vous êtes arabisé. Ils ne comprennent pas vraiment que toutes les branches religieuses, comme l’enseignent Amadou Hampate Ba, Khallid Abdul Muhammad ou René Guénon, sont liées entre elles. Que ce soit dans l’islam, dans le christianisme, ainsi que dans le bouddhisme, l’hindouisme, etc., il existe un principe universel que le penseur franco-égyptien Guénon appelait Tradition Primordiale. Cette source primordiale, à ne pas confondre avec la coutume, est d’origine divine et a été donnée aux hommes dans les temps anciens. C’était un principe qui s’est manifesté dans toutes les religions et spiritualités. Au fil du temps, ces hommes se sont éloignés de leur tradicratie en déformant ou détournant cette sagesse primordiale, à travers des systèmes tels que le polythéisme, l’idolâtrie, l’athéisme. Par conséquent, aucun salut ne peut être trouvé sans un retour aux résidus de cette Tradition.

En Afrique, nous avons eu des géants tels que Cheikh Amadou Bamba de croyance musulmane, Simon Kimbangu de croyance chrétienne, Ogotemméli lié à la spiritualité Dogon. Mais tous les trois, bien que différents sur le plan religieux, étaient sur le même chemin de droiture et d’amour de l’Afrique qui transcendait leur croyances réligieuses.

On peut donc définir l’afrocentrisme de certains cyber-pharaons comme une « nécri-tude » pour reprendre un néologisme de Kemi Seba dans son ouvrage Black Nihilism. La nécritude (à ne pas confondre avec le noble courant philosophique qu’est la négritude) est la contraction de deux termes : necri vient de necros (qui signifie « mort » en grec), tandis que le suffixe restant qui est itude nous renvoie au concept, à la notion de fierté. Beaucoup de cyber-pharaons pensent défendre une fierté africaine, une tradition, mais en réalité, le leur c’est un reconstructionnisme moderne, une culture morte, inexistante. Quant au concept vital de Tradition, René Guénon écrivait dans le livre Initiation et Réalisation spirituelle au chapitre IV « (…) Ce qu’il faut comprendre avant tout, c’est ceci : tout ce qui est d’ordre traditionnel implique essentiellement un élément supra-humain (…) » et donc, ajoutons-nous, un élément divin qui n’est pas reconstructionniste, un élément qui est lié à la tradicratie. Un élément qui peut être atteint par l’initiation directe, comme déjà dit. Le panafricanisme du 21ème siècle a un rôle dans cet aspect, celui de s’aligner sur la voie traditionaliste (que nous définissons afro-pérennialisme).

Un autre élément qui semble exaspérer tout le cercle des kémites modernes est leur haine de l’homosexualité, sous prétexte qu’il s’agirait selon eux d’une pratique « dépravée », exogène et importée par les colonialistes blancs. Encore une fois, l’affirmer signifie méconnaître les facteurs historico-culturels liés aux traditions locales. Dans l’Afrique précoloniale traditionnelle, les Bafias au Cameroun, les Mongo au Congo, les Hausa au Nigeria, les Quimbandas en Angola, etc., pratiquaient des formes d’érotisme entre les mêmes sexes. Mais cela n’était lié qu’aux facteurs de coutumes locales. Il n’y avait pas d’homosexualité en Afrique telle que voulue et promue par le monde occidental moderne (à travers la lutte LGBT ardemment défendue par nos ennemis que sont les mondialistes néolibéraux), mais il y avait des pratiques érotiques symboliques liées à des facteurs culturels locaux, qui pouvaient être liées à des rites d’initiation, jeux érotiques, dans certains contextes liées à la guerre ou à la chasse. Il y a aussi eu des formes de mariages entre femmes, dans lesquels il fallait parfois que la femme remplace la figure masculine, en cas où la figure d’un homme n’etait pas présent dans des sociétés patrilineaires. Puisque dans de nombreuses sociétés africaines traditionnelles, le mariage est sacré, mais il reste toujours dans un pragmatisme symbolique (https://www.youtube.com/watch?v=2JmDpacQlZs&t=21s).

La grande fin de ces pratiques, la diabolisation et la réécriture de la culture par les colonialistes, une certaine morale judép-chrétienne ont imposé des dogmes et des tabous qui laissent encore aujourd’hui leur vestige en Afrique, avec une futile horizontalisation des luttes. Beaucoup s’inquiètent de savoir comment combattre l’homosexualité en Afrique (les nécritudolatres), alors que la priorité est de mettre fin à la vassalisation de nos terres par une classe politique subordonnée aux forces impérialistes extérieures.

Ces dogmes imposés sont ensuite récupérés, à la fin, par ceux qui ne maîtrisent pas forcément ni l’histoire ni la tradition.

En conclusion, l’Afrique ne renaîtra qu’en se redécouvrant, mais seulement en créant des ponts en son sein (par le panafricanisme) plutôt qu’en créant des murs qui bénéficieront finalement à des forces prédatrices exogènes. La nouvelle génération africaine doit connaître et étudier le pérennialisme (autre nom pour définir l’école traditionaliste), seul moyen de s’harmoniser sur la voie de la coexistence religieuse et culturelle.

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