Irak-Syrie : hallali sur l’Etat Islamique ?
Les victoires de l’Etat Islamique
Malgré l’important revers de Palmyre fin Mars, l’Etat Islamique a montré qu’il possédait encore un très fort potentiel de nuisance. Il est à noter que les victoires militaires islamistes s’appuient fréquemment sur l’utilisation de VBIED (Vehicle-Born Improvised Explosive Device) combiné à un assaut d’infanterie classique. Les combattants de l’EI se font exploser au volant de véhicules spécialement conçus à cet effet à proximité des troupes ennemies, créant ainsi une brèche dans la défense adverse. Le VBIED est la version mobile de l’IED classique à savoir l’utilisation d’explosifs contre des véhicules ou des patrouilles ennemies. Les IED ont été le cauchemar des américains en Irak, le VBIED caractérisera le conflit syrien. Les véhicules utilisés sont de structure massive (engins de chantier, véhicules blindés, camions…), dépouillés de tout ce qui est superflu et chargés d’un maximum de matière explosive (obus d’artillerie, bidons d’essence…), le véhicule et ensuite équipé de blindage de façon à protéger le conducteur ainsi que sa mortelle cargaison. C’est bien souvent le candidat au martyre qui déclenche l’explosion.
Tout d’abord, nous avons pu constater la création d’une zone islamiste sur les arrières d’un territoire aux mains des rebelles situé à l’extrême Sud Ouest du pays dans la région de Daraa. Cette métastase islamiste est en passe d’être réduite mais reste préoccupante car elle montre la capacité de Daech à apparaitre n’importe où.
L’enclave de Deir Ez-Zor a également subi de très importants assauts mais les informations provenant de cette enclave loyaliste sont à prendre avec prudence.
La grande avancée de Daech se situe au Nord Ouest du pays à proximité de la ville d’Alep. Les combattants islamistes sont aux prises avec l’enclave rebelle coincée entre Daech à l’Est, les combattants kurdes à l’Ouest et la Turquie au nord. On se souvient de l’offensive loyaliste de début février qui avait coupé la zone rebelle en deux isolant Alep depuis le nord et créant un étroit couloir. Depuis deux mois les rebelles combattent à l’Ouest contre les kurdes dans la région d’Azaaz, mais surtout subissent les attaques de Daech à l’Est. Cette situation a amené le front à s’étirer et Daech en a profité pour attaquer le centre de ce dispositif et à le couper en deux. Situation intenable pour l’Armée Syrienne Libre qui devraient subir leur plus importante défaite depuis longtemps. La situation autour de la ville de Marea est catastrophique puisqu’elle constitue une enclave. La seule solution, afin d’éviter l’anéantissement, serait pour les forces rebelles de céder le terrain aux forces kurdes. Dures tractations en perspective!
L’alliance « pro-Bachar »
Depuis la libération de Palmyre par une alliance entre le Hezbollah libanais, les forces loyalistes de Bachar El-Assad, les combattants chiites iraniens et des soldats russes, la situation est à la consolidation du territoire nouvellement conquis. La zone autour de Palmyre a été élargie au nord en direction des champs pétrolifères de Shaer et vers l’Est en direction de Deir Ez-Zor.
A l’Est immédiat de Damas, la poche rebelle nouvellement créée dans la zone de Ghouta a été entièrement anéantie. Plus à l’Est à proximité de la ville d’Al Dumeyr, de violents attaques de Daech ont malmené les troupes loyalistes basées sur l’aéroport de Doumeira. Ces dernières ont pu reprendre le dessus et libérer d’importants espaces en direction de l’Est.
Plus au nord c’est la ville chrétienne d’Al Qaryatayn qui s’est vu entièrement libérée début avril après de multiples offensives et contre offensives.
Des mouvements des forces loyalistes ont été observés à proximité d’Ithriyah en direction de l’Est ce qui laisserait présager d’une participation active à l’offensive pour la libération de Raqqa. Offensive menée depuis le sud alors que les forces kurdes s’approchent lentement depuis le nord de la ville.
La majorité des combats se situent dans la région d’Alep. Les forces de Bachar El-Assad ont subit des pertes de territoire autour de la ville d’Al-Eis située à quelques kilomètres à l’Est de l’autoroute M5. La situation dans cette zone semble s’être calmée. A contrario, c’est à la périphérie immédiate d’Alep que se situent la plupart des combats. L’objectif recherché est de fractionner le saillant rebelle puis de réduire les poches ainsi constituées. L’axe d’effort se situe le long de la rivière Quwayq en direction du quartier kurde de Sheikh Maqsoud.
L’initiative américaine contre l’Etat Islamique
Ce n’est pas à proprement parler une intervention américaine dont il s’agit mais bien d’une offensive placée sous la férule des USA, avec la présence de forces spéciales américaines. L’originalité de ces interventions c’est que les américains (et non pas les occidentaux) encadrent les combats au sol sans y participer directement. Il y a assez de combattants prêts à en découdre sur place sans qu’il soit nécessaire de risquer des vies américaines. Le jeu des alliances est malgré tout très délicat car le soutien à tel groupe de combat peut être très mal perçu par un autre etc… La Turquie par exemple, ne voit pas du tout d’un bon œil le soutien accordé aux combattants kurdes sous couvert de lutte contre Daech. Le président turc M. Erdogan a ainsi vivement critiqué son allié américain pour ce soutien actif "Que font les soldats américains vêtus d’uniformes marqués d’emblèmes terroristes ?"
Techniquement les américains se chargent de l’appui aérien et de la logistique. Le travail au sol est délégué autour de Mossoul principalement aux kurdes et l’on retrouve des milices paramilitaires chiites aux cotés de l’armée irakienne à Fallujah. Outre ces deux bastions de l’Etat Islamique en Irak, deux autres métropoles subissent cette poussée en Syrie. Ce sont Manbij à l’Ouest de l’Euphrate et bien évidemment la « capitale » Raqqa.
Le procédé est audacieux car en attaquant partout à la fois, il empêche l’ennemi de pouvoir s’organiser et le place dans une situation de défense sur tous les fronts. Aucun renfort de troupes et de matériel ne peut donc être dépêché sur un point précis du front. L’initiative semble changer de camp et le fait de maintenir une pression omniprésente permet de réduire les positions adverses une par une. C’est ce qu’il semble se passer actuellement puisque des quatre bastions islamiques, seul Fallujah subit un assaut avancé. Les trois autres villes étant dans une phase d’encerclement large avec des combats de faible intensité. La libération de Fallujah distante de Bagdad de seulement quarante kilomètres permettra de relâcher la pression sur la capitale irakienne.
On le voit, la guerre en Syrie vient de prendre un nouveau tournant avec l’offensive généralisée initiée par les américains. Nous avons appris à nos dépens que l’Etat Islamique est coriace et qu’il défendra fanatiquement son califat, ne crions pas victoire prématurément.
Source : Lengadoc Info