100 ans après le coup d'état bolchevique (Réponses)

31.07.2017
Réponses aux 10 questions posées par Iurie Rosca

À l'occasion du centenaire de la Révolution d'Octobre 1917, nous avons l'intention de poser la même série de questions aux personnalités de la Moldavie, la Roumanie, la Russie et les pays occidentaux. Ces entretiens ont pour but de représenter une modeste contribution à la réévaluation des événements qui ont marqué le XXe siècle. Bien que 100 ans se soient écoulés, dans la conscience du public de l’espace ex-communiste et du monde entier, il y a encore beaucoup de préjugés sur les causes profondes de ce bouleversement majeur, mais aussi sur la façon dont la «révolution prolétarienne» est traitée par l'élite politique, le milieu universitaire et la hiérarchie de l'église. Trouver des réponses appropriées à certaines questions d'une telle complexité nous semble absolument vital.

Iurie Roșca

Réponses aux 10 questions posées par Iurie Rosca

Je suis universitaire, professeur de physique. Les scientifiques engagés en politique sont rares. Un élu du Sénat fédéral américain remarquait récemment qu’il était le seul membre,  titulaire d’un Phd en sciences, élu au Congrès américain, (Le Congrès représente près de 600 élus, membres du Sénat ou de la Chambre des représentants). Il en est de même en France. J’ai toujours été intéressé par les sciences et aussi loin que je me souvienne par les questions relevant des phénomènes de société et donc de la politique. J’apprécierai toutes vos remarques, surtout vos critiques.

Concernant les 10 questions posées, compte tenu de leurs corrélations, il me semble nécessaire de rappeler quelques faits historiques de ces deux derniers siècles, faits peu connus ou volontairement oubliés par les médias.

  a) Le rôle joué par l’Angleterre et les USA
A l’occasion du Congrès de Berlin en 1878, Benjamin Disraeli déclarera : ”Notre objectif principal était de prévenir toute alliance entre les trois puissances centrales européennes (Russie, Autriche-Hongrie et Allemagne)” et ”je déclare qu’aucun succès diplomatique ne fût aussi parfaitement obtenu.”, ”Disraeli and the Art of Victorian Politics”, Ian St JOHN, Anthem Press.
Il y a aussi la déclaration au Parlement anglais de Llyod George, 1er ministre de George V, à l’occasion de l’abdication du Tsar Nicholas II : ‘L’Angleterre a achevé l’un de ses objectifs les plus importants’.

La Déclaration d’Arthur James Balfour, ministre de George V, à Lord Rothschild le 2 novembre 1917. A l’occasion du centenaire de cette déclaration, Lord Jacob Rothschild précisait que plusieurs propositions furent soumises pour approbation au ‘mouvement sioniste international’ en Angleterre et aux USA avant sa signature. Rappelons que le peuple palestinien ne fût jamais consulté et que les exigences, concernant les populations autochtones, exigences énoncées dans cette déclaration n’ont jamais été respectées.

En 1917, les USA, sous la présidence d’un Woodrow Wilson pourtant élu sur un programme pacifiste, remplaceront la Russie défaillante et déclareront la guerre à l’Allemagne. Wilson créera le ‘Committee of Public Information’ ou ‘Commission Creel’. Edward Bernays, double neveu de Sigmund Freud, inventeur du concept de professeur en manipulation (Spin Doctor) et étrangement oublié aujourd’hui, sera un des moteurs de ce Comité. La désinformation, articulée sur des mensonges mille fois répétés, sera très efficace. Il interviendra ensuite dans de très nombreux domaines et écrira en 1928 un livre : ‘PROPAGANDA ou Comment manipuler l’opinion publique en démocratie’.

b) L’idéologie marxiste et la diabolisation du tsarisme
Le livre d’Alexandre Soljénitsyne (A. S.) ‘Deux siècles ensemble’, en deux tomes avec plusieurs milliers de références presque exclusivement juives, qui retrace le destin croisé des nations juives et slaves en Russie puis en URSS n’a étrangement pas été traduit en anglais. Les citations qui suivent sont tirées de l’édition française chez Fayard, 2002.
Suite aux différents partages de la Pologne, la population juive de Russie représentera à la fin du 19ème siècle plus de 50% de la population juive mondiale. En 1860, Il y a la création à Paris de l’Alliance israélite universelle « dans le but de défendre les intérêts des Juifs  dans le monde entier » (p. 195, tome 1, A. S).
Pendant la guerre russo-japonaise de 1904, la sympathie pour le Japon est très grande dans la presse américaine (p.381, tome 1, A. S.). Jakob Schiff et le baron de Rothschild financeront le Japon mais refuseront tout prêt à la Russie.
Pendant cette période, la désinformation dans la presse occidentale, NYT, London Times, Daily Telegraph etc. parlera de viols, d’atrocités innommables et de centaines de milliers de morts dans les pogroms attribués au gouvernement tsariste. Après la chute de l’URSS et l’ouverture d’archives, A. S. et le professeur d’hébreu et d’études juives, John Doyle Klier montreront qu’il n’existe aucune preuve de cette responsabilité (J.D. Klier, ‘Russians, jews, and the pogroms of 1881-82’ Cambridge University Press, 2011). Voir aussi : A. S. Tome 2, p. 361, l’ingénieur Abram Zisman raconte : ‘au bagne de Nova-Arkhanguelsk, nous profitâmes d’un moment creux pour compter combien il y avait eu de pogroms anti-juifs du temps de l’État russe. Cette question intéressa les responsables du camp, relativement bienveillants envers nous. Le “chef de camp” était le capitaine Gremine [N. Gerchel, un Juif, fils d’un tailleur de Jlobine]. Il envoya une lettre à Leningrad, aux archives de l’ancien MVD. Environ huit mois après parvint la réponse : entre 1811 et 1917, il y avait eu 76 pogroms anti-juifs sur tout le territoire de la Russie, et le nombre des victimes avait été de près de 3 000, (il n’était pas précisé s’il s’agissait de morts ou de blessés).’

c) Sionisme et Bolchevisme

Ces deux idéologies qui apparaissent au 19ème siècle, l’éthno-nationalisme religieux sioniste et l’internationalisme bolchevique, semblent contradictoires. A. S. explique cette contradiction, tome 2, p.24 : ‘C’est un particularisme qui n’a pas son pareil dans l’histoire du monde, il tient au fait que les Juifs ont réussi à concilier les principes nationaux et universalistes, que ‘ce peuple est national au plus haut point et en même temps cosmopolite’.
Le bolchevisme est une idéologie qui a été imposée de façon brutale, par Lénine et Trotski en URSS à l’âme russe. La guerre civile et la collectivisation ont conduit à des millions de morts.
La religion présentée comme ‘L’opium du Peuple’ a entraîné la destruction et la mort pour des milliers d’églises et de prêtres mais a été clémente pour les synagogues et les rabbins.

Après la disparition du bolchevisme dans sa version dictature du prolétariat, nous avons vu apparaître aux USA un nouvel internationalisme, ou globalisme, construit sur   l’impérialisme néoconservateur et la dictature des marchés: les deux faces d’une même pièce. A. S. écrit, tome 2, page 302, : ‘La révolution et la finance internationale ne se contredisent nullement dès lors que la révolution fait advenir un pouvoir centralisé qui rend les marchés aisément contrôlables.’ Autre point de convergence : ‘Les bolcheviks et les banquiers ont une plateforme commune l’internationalisme.’

d) L’Actualité

Notre monde unipolaire est dominé par les USA qui depuis leur création il y a plus de 2 siècles ont bombardé ou envahi 84 pays. Si on y ajoute les pays où il y a eu une intervention militaire on arrive à 191. Il n’y a que l’Andorre, le Bhutan et le Liechtenstein qui restent indemnes de toute forme d’intervention (voir ”All the countries the Americans have ever invaded”, Christopher KELLY & Stuart LAYCOCK, AMBERLEY – 2015). J’ai eu souvent l’occasion de vérifier que ce fait est largement ignoré dans l’opinion publique.
L’alternance politique habituelle voyant les pays occidentaux passer d’un gouvernement de ‘droite, républicain, conservateur, chrétien démocrate...’ à ‘gauche, démocrate, travailliste, social démocrate...’ n’est qu’un leurre permettant au mondialisme de donner l’illusion du changement au mécontentement populaire. La réalité, révélée par l’élection de Vladimir Poutine puis Donald Trump, signale le retour du Nationalisme qui tient le langage de l’enracinement et de la communauté de destin et que tout oppose à l’Internationalisme des ‘élites’, cette jet-society du 1% qui tient le langage de l’individualisme, de l’ultra-libéralisme et des droits de l’homme au détriment du droit des peuples.
Seul le nationalisme sioniste est (pour l’instant?) toléré. La lecture du livre de John Mearsheimer et Stephen Walt, ‘Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine’ - 2007, illustre à travers la parabole du chien et de sa queue, ce que l’on peut se demander aujourd’hui : qui est ce qui remue quoi ?
La déclaration d’Ariel Sharon : ‘Chaque fois que nous faisons quelque chose, vous me dites que l’Amérique fera ceci ou cela... Ne vous préoccupez pas de la pression de l’Amérique sur Israël : Nous les Juifs, contrôlons l’Amérique, et les Américains le savent.’ Courrier International, N°913, 30 Avril-6 Mai 2008, ou celle d’Henry Kissinger (Prix Nobel de la Paix!), concernant la guerre Iran-Irak : ‘Nous voulons qu’ils continuent à s’entre-tuer le plus longtemps possible.’ Le Figaro Hors-série, Irak Objectif Bagdad – 2003.
Il peut être intéressant de visionner l’une des nombreuses vidéos, disponibles sur Youtube, dans lesquelles Staline s’exprime devant des responsables de l’URSS ou Netanyahou s’exprime, dans le cadre de l’AIPAC, devant les membres du Congrès US. Les standing ovations se succèdent, chaque élu observant ses voisins de peur d’être le premier à arrêter d’applaudir!

La grosse presse US et Occidentale se déchaîne contre Trump et Poutine. Je n’ai jamais vu autant d’attaques, répétitives, vicieuses et de mauvaise foi depuis quarante ans de lecture de cette presse. Des dizaines d’articles tous les jours dans des journaux qui avaient tous, y compris pour la première fois le USA Today, pris parti pour la candidate Hillary Clinton.

En ce moment, juillet 2017, on reproche à Trump d’avoir parlé avec des Russes qui promettaient des renseignements défavorables à Mme Clinton.
On pourrait peut-être se poser en premier lieu la question : pourquoi notre ‘Démocratie’ est défaillante au point d’obtenir, s’ils sont confirmés, de tels renseignements auprès d’un ‘État toujours qualifié en Occident de totalitaire’.
Il y a bien d’autres questions, de bien plus grande importance, qui n’ont jamais été posées d’ailleurs dans cette même presse :
Lorsque Bush père organise l’ignoble mensonge des soldats irakiens jetant des prématurés koweïtiens hors des couveuses pour faire basculer l’opinion en faveur de la guerre du Golfe de janvier 1991.
Lorsque Bush fils envoie Colin Powell à l’ONU, ébauche du Gouvernement mondial, brandir des flacons sensés contenir les armes de destruction massives chimiques ou bactériologiques irakiennes.
Lorsque Tony Blair déclare au Parlement que Saddam Hussein peut rendre opérationnelles des armes de destructions massives en 45 minutes.
Lorsque Hillary Clinton persuadera Obama d’intervenir en Libye, avec un résultat tout aussi catastrophique que pour l’Irak, pour apparaître ensuite dans une vidéo sur Youtube, et parodiant Jules César, déclare après l’annonce de l’assassinat de Kadhafi, ‘Nous sommes venus, nous avons vu et il est mort’ avant d’éclater de rire.
Lorsque Obama (Prix Nobel de la Paix!) multiplie les attaques par drones. Cette  forme ‘moderne’ de peine de mort dont on ne sait jamais qui donne l’ordre de tuer, qui tue et qui est tué, avec son cortège de victimes innocentes appelées :‘dommages collatéraux’. On remarquera la relative indifférence d’une presse à ces assassinats par drones alors qu’elle participera souvent à des campagnes contre les condamnations à mort dans un cadre juridique légal et démocratiquement voté.

L’insignifiance des attaques contre Trump est, de plus, flagrante quand il est de notoriété publique depuis les déclarations de Snowden, que la NSA américaine espionne le monde entier, y compris les téléphones portables d’alliés des USA (comme Angela Merkel) et que leurs spécialistes réseaux peuvent contaminer les services informatiques de pays ‘hostiles’ comme l’Iran avec des virus tels que Stuxnet.
La grosse presse et de façon générale les médias US et occidentaux détestent le nationalisme mais aussi ceux qui critiquent l’ultra libéralisme financier comme le challenger d’Hillary Clinton, Bernie Sanders ou le colonialisme israélien comme Jeremy Corbyn, le chef du parti travailliste anglais.
Ils utilisent pour cela toutes les techniques sophistiques ; le mensonge, même énorme, le silence, si le fait ne satisfait pas leur thèse, et la répétition ad libitum. La méthode du ‘deux poids, deux mesures’, condamnée par les évangélistes du Nouveau Testament dans la parabole de  ‘l’hypocrite qui voit la paille dans l’œil du voisin mais pas la poutre dans le sien’.
D’innombrables articles condamnent, à toute occasion, la résurgence d’un nationalisme malfaisant. Je voudrais donner un exemple qui me semble particulièrement représentatif de l’arrogance des médias US. Il s’agit d’un extrait1 publié il y a plus de 20 ans dans l’International Herald Tribune (devenu le NYT International aujourd’hui) à l’occasion du 50ème anniversaire du débarquement en Normandie :

Pour les hommes politiques US, La nation doit disparaître. “Pour les États-Unis, le nationalisme est une maladie qui doit être combattue par tous les moyens; pour les européens l’État-nation demeure la seule entité politique viable. Et, alors que les Américains considèrent le multiculturalisme comme source de force, les Européens le refusent comme étant une marque de perdition.... En résumé, la tâche entreprise il y a 50 ans, le 6 juin 1944 pour la libération de l’Europe doit être menée à terme aujourd’hui.’’
(Liberating Europe from nationalism may not be easy, Jonathan Eyal, International  Herald Tribune, 24/05/94)

 

Quelles sont les origines spirituelles, intellectuelles et idéologiques de la Révolution d'Octobre?

Suite aux différents partages de la Pologne s’installe une importante population juive qui, pour des raisons religieuses, ne s’assimile pas à la population slave et a des activités essentiellement commerciales et peu d’activités productrices.

L’élaboration de la théorie marxiste.

Le servage qui ne sera supprimé que dans les années 1860 et l’indifférence de la noblesse et de la bourgeoisie devant la misère où se trouve la plus grande partie de la population slave alors que la solidarité ethnique est importante dans la population juive.

Les mouvements révolutionnaires et nihilistes qui effectuent de nombreux attentats contre la société tsariste.

La création de l’Alliance israélite universelle et son influence dans la presse américaine et européenne.

L’aveuglement de la classe dirigeante qui, n’ayant pas perçu les conséquences de la révolution industrielle, ne fait pas les réformes sociales nécessaires et ne sait pas réagir à la désinformation.

Les puissances financières qui sont très hostiles au régime tsariste et, par exemple, pour la guerre russo-japonaise de 1904, refuseront tout prêt à la Russie tout en aidant le Japon.

Le rôle de l’Angleterre, la puissance maritime du moment, « qui divise pour régner ».

Pourquoi ce coup d'État s'est-il produit spécifiquement en Russie et dans quelle mesure est-ce un «projet importé»?

L’immigration juive importante aux USA à la fin du 19ème siècle et l’aide financière  de la population américaine et du gouvernement hostile au tsarisme. Le Président Poutine, à l’occasion de l’inauguration d’un centre culturel juif à Moscou, rappelait que le premier gouvernement bolchevique comportait plus de 80 % de juifs.

Le régime soviétique a produit une idéologie spécifique qui est aussi nommée la religion de la civilisation soviétique. Quelles sont les causes et les caractéristiques de la sovietolatrie? Comment expliqueriez-vous le fait que le virus communiste persiste encore en Russie et dans les anciens pays socialistes, même après plus d'un quart de siècle?

La majorité dans un pays manifeste souvent peu d’initiative et s’accommode assez bien d’un régime qui s’occupe de tout.

La solidarité et l’empathie des humbles est réelle.

Après la dictature et l’internationalisme prolétarien des premières années du bolchevisme, Staline avait permis le retour du patriotisme slave.

Les excès de l’ultralibéralisme et la rapacité des oligarques a certainement choqué une grande partie de la population russe.

Ceux qui critiquent l'expérience soviétique fonctionnent souvent avec le système de référence de la démocratie occidentale pour aborder les effets politiques et économiques de cette période. Pourquoi les aspects du religieux, spirituel, métaphysique restent la plupart du temps au second plan?

Le christianisme et pour l’essentiel la religion catholique a été consciencieusement diabolisée et détruite en Occident depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. La presse occidentale, surtout américaine, ne parle du catholicisme que pour parler de prêtres ou dignitaires pédophiles.

Je n’ai jamais lu d’articles concernant la grande majorité des religieux qui consacrent leur vie à aider les plus pauvres dans le monde. La télévision, le cinéma ne sont pas en reste dans cette entreprise.

Après Vatican 2, la hiérarchie officielle catholique a manifesté une honteuse complaisance envers le communisme. C'était l'Ostpolitik, parfois du vrai compagnonnage. Quand on parlait de mouvements de libération, c'était toujours des mouvements de décolonisation ou contre l'apartheid sud-africain ou contre le régime du général Pinochet, jamais pour mentionner les peuples d'Europe centrale ni les peuples d'Asie (Chine, Vietnam, Cambodge...) livrés au communisme et définitivement oubliés.

J’ai même assisté vers les années 72-73 à une conférence du père Jean Cardonnel un prêtre dominicain qui rentrait du Cambodge et expliquait à un amphithéâtre bondé que les Khmers Rouges étaient des gens merveilleux. Un étudiant en thèse, Cambodgien, avait cru à ce discours et était retourné au pays. J’ai essayé d’avoir de ses nouvelle, sans succès. Il a probablement été massacré dans cette révolution cambodgienne.

Ces "chrétiens progressistes" ont été les fourriers du communisme. On ne répétera jamais assez que le communisme n'a pu s'étendre à la surface de la Terre que par la lâcheté et la complaisance de pseudo-élites des pays libres.

Aujourd'hui, le libéralisme et le communisme sont considérés comme deux idéologies totalement différentes. Cependant, en les examinant de plus près, nous pouvons identifier une série de coïncidences et de complémentarités frappantes. Comment décririez-vous les différences et les similitudes entre ces théories politiques?

« La révolution et la finance internationale ne se contredisent nullement dès lors que la révolution fait advenir un pouvoir centralisé » qui « rend les marchés aisément contrôlables ». Autre point de convergence : « Les bolcheviks et les banquiers ont une plateforme commune l’internationalisme »
Alexandre Soljénitsyne, P.302, tome 2

Certains chercheurs affirment que le projet communiste a trouvé une suite logique dans le projet globaliste. Dans quelle mesure cette opinion est-elle valable?

Ce sont deux internationalismes. Ceux que l’on appelle les néo-conservateurs aux USA sont souvent d’anciens trotskistes reconvertis dans l’ultra-libéralisme.

Dans le monde ex-communiste et en Occident, la russophobie est alimentée par la confusion entretenue artificiellement entre l'Union Soviétique et la Russie (jusqu'en 1917 et après 1991), les crimes de l'ancien régime communiste étant attribués à la nation russe. C'est la même chose que si le nazisme était attribué à la nation allemande, quelque chose qui devrait causer la germanophobie. À qui profite le maintien de cette confusion et comment pourrait-il être surmonté?

Le National-Socialisme est souvent encore, il me semble, attribué à la nation allemande. Les dirigeants allemands font pourtant tout ce qu’il faut (sauf le social-démocrate Gerhard Schröder) pour complaire aux puissants du jour et éviter que la germanophobie augmente.

Le bolchevisme des origines, disons jusqu’aux années 27-28 est l’œuvre de Lénine et Trotski. Pourtant, il y a rarement, en France, des attaques frontales et violentes contre eux. Ce n’est pas le cas pour Staline qui est systématiquement diabolisé dans les médias.

Il n’y a jamais eu de procès contre le bolchevisme comme il y en a eu contre le national-socialisme.

Pour éviter la russophobie, il faudrait que Poutine cesse d’être lui-même ou que son successeur rentre dans le cercle des puissances vassales des USA. 
C’est le même phénomène qui se produit aux USA sous la présidence de Donald Trump. L’ultra-libéralisme, l’impérialisme ou le patriotisme hollywoodien ne sont pas remis en cause seule la politique nationaliste et trop peu interventionniste de Trump est objet de critiques violentes, voire uniques, dans la presse US.

Pour surmonter cela, il faut nommer les choses et les concepts et dénoncer le mondialisme, la dictature des marchés voire les spéculateurs.

Une autre confusion fréquente en Russie et dans l'ancien espace communiste est l'attachement simultané d'une partie de la population à la fois à l'Église et à la civilisation soviétique, qui est par définition antichrétienne. Que faut-il faire pour surmonter cette approche au moins incohérente? La hiérarchie de l'église pourrait elle-même contribuer de façon substantielle au dépassement de ces déviations?

Il est parfois écrit que le communisme, dans sa pratique de l’entraide, était un christianisme sans Dieu. Je ne connais pas suffisamment le fonctionnement de la hiérarchie de l’église orthodoxe. Mais les attaques exagérées et souvent injustifiées contre la hiérarchie catholique sont restées malheureusement sans réponse de sa part. Il est probable que les crimes du bolchevisme contre l’église orthodoxe lui éviteront ce qui arrive au catholicisme.

Comment pourrait-on l'expliquer qu'à plus d'un quart de siècle après la chute du communisme et de l'URSS, le mausolée de Lénine est intact et que ses restes mortels ne sont pas enterrés? Les explications qui se réfère à éviter d'agiter la sensibilité d'une partie des personnes âgées qui nourrissent la nostalgie ou celles de l'opportunité politique ne résistent pas à la critique. Quelles sont les causes spirituelles qui déterminent cette paralysie volitive et que devraient faire l'élite russe, l'Église, les intellectuels de pointe, l'administration gouvernementale pour sortir du filet de cette malédiction historique?

Lénine est probablement intouchable pour le moment. Il y aurait pourtant suffisamment de textes de sa main et d’actes qui ne jouent pas en sa faveur. Il est peut-être trop tôt pour enterrer Lénine.
Au moment des guerres de religions entre protestants et catholiques en France au XVIème siècle, le Roi Henri IV a légiféré par « l’Édit de Nantes » pour interdire toute dispute ou rappel de ce qui s’était passé, sous peine de poursuites. Il aurait même déclaré que Paris valait bien une messe. Les dirigeants russes font eux-aussi preuve de sagesse.

Au cours des dernières années de plus en plus de gens se tournent vers la Russie comme un bastion des valeurs traditionnelles du monde. Le courant de pensée anti-libéral en Russie pourrait-il avancer à la mesure d'une Révolution conservatrice d'envergure mondiale et quelles sont, selon vous, les chances d'une résurrection religieuse d'envergure qui pourrait supprimer le paradigme libéral dominant de la scène de l'histoire?

Je crois aux vertus de l’exemple et à la fermeté sur les principes. Le mondialisme est un totalitarisme, il n’acceptera aucun compromis, en dehors d’une victoire totale et qui risque d’être définitive. Son contrôle des médias, de l’argent et donc du pouvoir politique est acquis en Occident. Une vidéo très récente d’un homme d’influence français, Jacques Attali, nous explique ce qui va inéluctablement se passer dans l’avenir : la mondialisation, le marché du racket, de la prostitution et du commerce d’organes, une inégalité croissante et pour finir la marchandisation de la vie. Tout cela sans que le pouvoir politique ne s’émeuve.

Post scriptum

Dans un passage du livre ‘1984’ Orwell parle de Winston, le rebelle à l’endoctrinement, qui écoute un journaliste à la télévision. Ce journaliste apprenant au milieu de son discours de  propagande qu’un changement d’alliance venait de se produire entre Estasia, Oceania et Eurasia, ‘était passé d'une ligne politique à une autre exactement au milieu d'une phrase, non seulement sans arrêter, mais sans même changer de syntaxe.’ Nous n’en sommes pas encore là, mais j’ai remarqué, après 40 ans  de correction de copies dans la discipline dite des Sciences exactes que les erreurs de raisonnement devenaient courantes. Il nous arrivait, à l’occasion d’un jury, de nous concerter pour essayer de comprendre, sans succès, ce qu’un étudiant avait voulu dire dans sa rédaction d’examen.
On observe de fait une régression considérable dans le discours depuis ce miracle grec dont Kant pouvait dire ‘qu’Aristote avait inventé la logique et l’avait portée à son point de perfection’.
Les sophistes du jour, à l’aide de répétitions, utilisent des techniques rhétoriques sans souci de la valeur morale des moyens utilisés pour le but à atteindre. Ils laissent ainsi le lecteur ou le téléspectateur ‘démocrate’ dans la certitude qu’il doit bien y avoir une part de vérité puisque tout le monde ne peut pas mentir.
Vous remarquerez aussi que dans ses livres, Platon, l’élève et le porte-parole de Socrate, s’appuyait sur les vertus du dialogue entre adversaires pour atteindre la vérité. Aujourd’hui, dans l’information et la présentation des événements, seuls s’expriment dans la grosse presse les maîtres du discours ou les journalistes de cour. Ceux qui reçoivent les bombes et dont le pays est détruit voient rarement passer un micro.
Je terminerai par un passage de la pièce ‘Jules César’ de Shakespeare, Brutus va au forum expliquer l’assassinat de César au peuple. Ce passage est probablement incompréhensible au plus grand nombre aujourd’hui.
Brutus ;
‘Soyez patients jusqu'au bout... Romains, compatriotes et amis, entendez-moi dans ma cause, et faites silence afin de pouvoir m'entendre. Croyez-moi pour mon honneur, et ayez foi en mon honneur, afin de pouvoir me croire. Censurez-moi dans votre sagesse, et faites appel à votre raison, afin de pouvoir mieux me juger. S'il est dans cette assemblée quelque ami cher de César, à lui je dirai que Brutus n'avait pas pour César moins d'amour que lui. Si alors cet ami demande pourquoi Brutus s'est levé contre César ; voici ma réponse : Ce n'est pas que j'aimasse moins César, mais j'aimais Rome davantage. Eussiez-vous préféré voir César vivant et mourir tous esclaves, plutôt que de voir César mort et de vivre tous libres ? César m'aimait, et je le pleure, il fut fortuné, et je m'en réjouis ; il fut vaillant, et je l'en admire ; mais il fut ambitieux, et je l'ai tué ! Ainsi, pour son amitié, des larmes ; pour sa fortune, de la joie ; pour sa vaillance, de l'admiration ; et pour son ambition, la mort ! Quel est ici l'homme assez bas pour vouloir être esclave ! S'il en est un, qu'il parle, car c'est lui que j'ai offensé. Quel est ici l'homme assez grossier pour ne vouloir pas être Romain ? S'il en est un, qu'il parle ; car c'est lui que j'ai offensé. Quel est l'homme assez vil pour ne pas vouloir aimer sa patrie ? S'il en est un, qu'il parle ; car c'est lui que j'ai offensé... J'attends une réponse.’
TOUS LES CITOYENS : ‘Personne, Brutus, personne.’

Les sociétés de pensée et ‘l’élite’ ultra libérale  accréditent, par leur contrôle médiatique et culturel, que la révolution informatique impose logiquement un monde unipolaire et le mondialisme. Le choix qui se présente à l’humanité dans le futur se trouve entre le nationalisme (à ne pas confondre avec l’impérialisme) et une forme de globalisme destructeur des peuples enracinés, un avenir sombre prévu par deux visionnaires.
Orwell et son régime policier, son parti unique, son contrôle des médias ; une sorte de bolchevisme avec sa religion du métissage obligatoire et du plus jamais de guerre. Un régime imposé à l’échelle terrestre, à dose homéopathique et dont le ridicule et l’odieux serait rendu invisible par la disparition des frontières et donc des différences. Tout le monde serait inconsciemment malheureux sauf un réseau élitiste discret.
Huxley qui arriverait à un résultat identique par la manipulation génétique d’une société de veaux ; celle des allant des populations Bétas jusqu’aux Epsilons sous le contrôle par les élites Alpha.
‘Afin de détruire un peuple, il faut d’abord détruire ses racines’, A. Soljénitsyne