Marine Le Pen se donne l'été pour fixer son programme économique

01.07.2016

Marine Le Pen a reçu le pré-programme économique du Cap Eco, piloté par Bernard Monot. Si les fondamentaux du FN devrait être conservée, la présidente du parti veut se donner le temps de recevoir toutes les contributions pour fixer les mesures de son projet présidentiel

Le Front National construit progressivement son programme économique pour 2017. Jeudi, Bernard Monot, responsable du Comité d'action programmatique économique (Cap Eco) a remis les conclusions de ses travaux à Marine Le Pen au siège du parti à Nanterre. Pour la présidente du Front, il s'agit d'«un document de travail parmi d'autres» qui viendra compléter diverses contributions individuelles, extérieures ou provenant des collectifs du Rassemblement Bleu Marine. «Rien n'est validé, a-t-elle précisé, je présenterai mon projet, économique et autre, dans plusieurs mois».

«Ce programme reste profondément patriotique. Il conserve la doctrine habituelle» a expliqué Bernard Monot en remettant ses conclusions. Le document initial de 80 pages est le fruit de la collaboration de 75 personnes depuis 2014. Trois comités d'arbitrage ont validé ces travaux dont l'ambition générale consiste à favoriser un retour de «l'indépendance de la France» en matière économique. Monot souhaite également mettre en place une cellule d'assistance qui pourrait être opérationnelle durant la campagne présidentielle. Il l'imagine avec cinq à six personnes chargées d'animer une veille économique au service des fédérations et des élus frontistes de septembre à mai 2017.

Europe, euro, dépenses publiques, emploi, impôts, entreprises, système bancaire... «Sur les grands thèmes, tout a déjà été arbitré par Marine Le Pen, ça ne devrait plus bouger» explique Bernard Monot. En réalité, pour des raisons de stratégie politique, le FN n'a pas l'intention de dévoiler ses cartes trop tôt. Il se sait très observé sur sa ligne économique. Ses adversaires, qui ont parfois dénoncé la «mélenchonisation» du FN, ont souvent critiqué des positions frontistes consistant à défendre, en même temps, une approche sociale de l'économie et une vision libérale. Le Front National prône une hausse du pouvoir d'achat, une valorisation des bas salaires, des baisses d'impôts pour les particuliers, pour les entreprises, etc. Autant de choix perçus comme des dépenses supplémentaires dans un pays déjà étouffé par les taxes. Marine Le Pen se défend sur ce point en estimant que l'état actuel du pays justifie, à ses yeux, de ne pas aggraver l'austérité pesant déjà sur les bas salaires et les classes moyennes. Elle justifie la consolidation d'un Etat «fort» et «stratège» en le replaçant dans une refonte totale des équilibres financiers du pays qu'elle croit possible avec une série de leviers, les mêmes qu'en 2012: la sortie de l'euro, l'arrêt de l'immigration, l'instauration de taxes douanières, et la lutte contre la fraude fiscale (voir le détail en bas de l'article).
«Ce n'est pas un programme économique responsable. Il n'est tourné ni vers l'avenir, ni vers la compétitivité». , estimait Pierre Gattaz, président du Medef, fin 2015 dans un interview au Parisien. En réponse, les frontistes estiment que le Medef de Paris est «déconnecté» de ses bases régionales et ne représentent par les TPE-PME.

EN 2017, le Front National pourrait encore proposer une sortie de l'euro, non plus «unilatérale» mais «concertée». Il exclut d'enclencher une forte dévaluation de la monnaie nationale sitôt réinstaurée, comme cela avait été proposé en 2012. Bernard Monot argue que depuis, l'euro a baissé. Le parti proposerait alors l'euro comme monnaie commune aux États européens avec une autre monnaie, l'«écu», gérée par la Banque de France. Moyen, selon lui, de retrouver une souveraineté nationale.

Le parti réfléchit également à une réduction de 60 milliards d'euros les dépenses publiques. Un chiffre qui est moindre que ceux évoqués par les candidats en lice pour la primaire de la droite. Le FN précise vouloir réduire «à moyen terme» (sans préciser davantage) le taux de dépense publique à 50% du PIB, contre 57% avant.

Ce repli des dépenses publiques serait obtenu grâce à l'arrêt quasi-complet de l'immigration -ce qui rapporterait dès la première année 8,5 milliards d'euros, selon les calculs de Bernard Monot, qui n'a pas souhaité nous livrer plus de précisions à ce stade-; à la lutte contre la fraude fiscale des particuliers et des entreprises -qui génèrerait 15 à 20 milliards d'euros par an, toujours selon les calculs du stratégiste; et à l'instauration de droits de douanes pour les produits importés en France.

Cette dernière mesure de taxes douanières servirait aussi à financer une augmentation de 200 euros des bas salaires. Ceux qui vont jusqu'à 1,4 smic. Une proposition qui avait déjà été proposée en 2012. En revanche, cette fois-ci serait désormais «exceptionnelle» car elle ne sera que «temporaire».

Le droit du travail ne sera «assoupli» que «quand les choses iront mieux économiquement et fiscalement», propose Bernard Monot à Marine Le Pen. Sur l'emploi, les 35 heures seront toutefois «assouplies» pour favoriser les accords de branche permettant aux salariés de «travailler 39 heures payées 39». En pleine crise sur la loi travail, le discours est bien huilé.

Volet recettes, tous les Français seront tenus de payer l'impôt sur le revenu, même «de manière symbolique», a-t-il aussi précisé. Le parti souhaite aussi élargir l'assiette imposable des particuliers «mais surtout des entreprises», tout en réduisant les taux marginaux, avec l'objectif de «simplifier le code général des impôts».

Le FN escompte par ailleurs récupérer «15 à 20 milliards d'euros annuels» de la lutte contre la fraude fiscale des entreprises et des multinationales et «surtout 40 milliards d'euros annuels en rythme de croisière de la réduction drastique de l'immigration» (8,5 milliards dès la première année, selon les calculs de Bernard Monot).

Le FN entend enfin remettre en cause l'Union bancaire européenne, ce réglement uniforme des 130 plus grands établissements financiers des 28 États de l'Union européenne. Nouveauté par rapport à 2012, puisque cette union bancaire a été adoptée en avril 2014. De toutes façons, conforté par le Brexit, le Front National, promeut de «toutes ses forces» le Frexit, c'est-à-dire la sortie de la France de l'Union européenne. Marine Le Pen a d'ailleurs promis un référendum sur cette question précise après son arrivée au pouvoir, si elle était élue en mai 2017.

Côté retraites, ISF, TVA, allocations chômage, et beaucoup d'autres sujets économiques et fiscaux, Bernard Monot n'a pas souhaité donner de précisions à ce stade.

Source : Le Figaro