Géopolitique et avenir de l’Europe : entretien avec Robert Steuckers
Monsieur Steuckers, pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour ceux qui ne vous connaîtraient pas ?
Je suis né à Uccle en janvier 1956, alors qu’il faisait, paraît-il, un froid de canard. J’ai vécu quasi toute ma vie à Forest, une commune voisine de mon lieu de naissance mais je passais les étés à Maîche en Franche-Comté. J’ai fait mes études secondaires à Saint-Gilles-lez-Bruxelles et mes études universitaires à Bruxelles et à Louvain (l’Ancienne), pour terminer diplômé en langues allemande et anglaise. J’ai tenu un bureau de traduction pendant vingt ans (de 1985 à 2005) et ai été professeur d’anglais et de néerlandais de 2003 à 2021, où je suis arrivé à l’âge de la retraite. Pour ce qui concerne la métapolitique, j’ai édité de 1983 à 2004 les revues Orientations, Vouloir, Nouvelles de Synergies Européennes et Au fil de l’épée et ai été le secrétaire général européen de l’association fondée en 1994 par Gilbert Sincyr, « Synergies Européennes ». Les sites http://euro-synergies.hautetfort.com et http://www.archiveseroe.eu/ ont pris le relais depuis 2007. Le site des archives d’EROE donne sommaires, versions pdf des anciennes revues que l’on peut consulter ici : http://www.archiveseroe.eu/sommaires-c18393865 . Depuis ma retraite, le blog d’euro-synergies est doublé de son équivalent en langues néerlandaise et allemande : https://synergon-info.blogspot.com/ . Un ami espagnol gère un blog « euro-sinergias » dans la langue de Cervantès : https://euro-sinergias.blogspot.com/ . Les textes en anglais paraîtront bientôt sur mon site personnel que j’avais transformé en « vidéothèque » pour relayer les vidéos que j’estime indispensables à la formation métapolitique de mes amis : http://robertsteuckers.blogspot.com/ . La fonction de « vidéothèque » de ce blog ne disparaîtra pas quand y seront cosigné mes textes en anglais. L’objectif général de toute cette agitation est de faire connaître à des publics de langues diverses des auteurs qui peuvent apporter des munitions idéologiques efficaces pour lutter contre les systèmes en place, qui conduisent nos peuples à la ruine. Le but est aussi d’éviter les répétitions stériles et les ronrons idéologiques qui mènent aux blocages dans les rangs non conformistes et à leur marginalisation permanente. Le modèle suivi est en fait la revue Courrier International, créée jadis par Alexandre Adler, comme aimait à me le dire le solidariste Jean-Gilles Malliarakis à mes débuts. Olier Mordrel, Jean Mabire et Dominique Venner me le disaient aussi. Cet hebdomadaire français, créé par Adler, traduit des articles venus du monde entier pour faire découvrir à ses lecteurs des réalités politiques et historiques qui, autrement, demeureraient inconnues. La différence est que nous sélectionnons nos articles, bien entendu, principalement dans les réseaux non conformistes d’Europe, d’Amérique latine (continent où il y a beaucoup à découvrir !) et de l’espace russe.
Vous qui êtes belge, quel regard portez-vous sur la montée du nationalisme flamand en Belgique néerlandophone ? Quel avenir envisager pour la Wallonie dans le cas où l’Etat belge finirait par se disloquer ?
Le nationalisme flamand, que je préfère appeler la « volonté de normalité flamande », ou plutôt thioise (c’est-à-dire de parlers germaniques continentaux autres que l’allemand classique), est devenu au cours de ces trente dernières années, avec toutes ses variantes, parfois antagonistes les unes par rapport aux autres, la principale force politique du Royaume de Belgique. Qu’on le veuille ou non. Historiquement, je pense que les linéaments de la culture flamande ou néerlandaise dans les anciens comté de Flandre, duché de Brabant et comté principautaire de Looz, repose in fine sur une vision herdérienne, dérivée de la pensée éclairée du philosophe allemand du 18ème siècle, Johann Gottfried Herder (1744-1803), natif de Riga et donc sujet germano-balte du Tsar.
Johann Gottfried Herder, philosophe germanophone du XVIIIe siècle.
Certes, si l’on faisait une émission de type « radio-trottoir », quasi personne ne citerait cet aimable philosophe. Pourquoi est-il si important, aussi pour vous en Bretagne ? Herder, pour résumer son œuvre, estime que les racines historiques les plus anciennes restent déterminantes dans la psyché d’un peuple ou doivent le redevenir après qu’on a eu le courage et la volonté d’épurer notre pensée pratique de tout le ballast inutile, étranger, importé, plaqué que l’on a accumulé au fil des temps, en se laissant aller aux affres du déclin, lequel est surtout impulsé par l’oubli de soi, par la négligence de ses héritages propres. Herder visait une culture classique artificielle, répétitive, faite aussi de gallomanie depuis Louis XIV.
La révolution française, avec ses « principes » abstraits, son juridisme pénible, sa violence destructrice, son anti-populisme, a rapidement servi de contre-modèle : instinctivement, ce qu’elle a apporté a été jugé en Flandre (mais aussi ailleurs) comme un abominable fatras servant à l’oppression du peuple. Les porteurs locaux de cette idéologie révolutionnaire (institutionalisée) ont été perçus comme des exploiteurs, des traitres, des pantins grimaçants. Dans la brève période du Royaume-Uni des Pays-Bas (1814-1830), le régime bienveillant du roi de Hollande revêtait un double aspect : d’une part, le souverain souhaitait une administration modèle selon les modalités rationnelles napoléoniennes et prussiennes, d’autre part, il souhaitait limiter l’influence culturelle française, révolutionnaire et laïque, en exaltant un passé commun à toutes les provinces de son royaume. Cette dernière volonté royale était difficile à articuler : en effet, la rupture entre les Pays-Bas du Nord, calvinistes, et les Pays-Bas du Sud (successivement « espagnols » puis « autrichiens »), demeurés ou redevenus catholiques-baroques, avait laissé des traces : les deux mentalités étaient incompatibles, à une époque où la pratique religieuse était généralisée et prise très au sérieux. Cependant, la littérature, y compris en langue française, se distingue dès cette époque grand-néerlandaise des littératures allemande et française. Elle met l’accent sur des thèmes historiques locaux : on a eu Le lion des Flandres de Henri Conscience (en flamand) et le Tyl Uilenspiegel de Charles De Coster (en un français volontairement médiévalisé pour se démarquer du français de Paris). Le nouveau royaume de Belgique adopte officiellement la langue française (la néerlandisation se fera progressivement au niveau de l’appareil judiciaire et du système scolaire).
Le Lion de Flandre d’Henri Conscience
Mais les premières décennies de l’histoire du jeune état sont marquées par l’ascension de l’Allemagne de Bismarck, qui est la référence pour tout jusqu’à la date fatidique du 4 août 1914, où les armées du Kaiser pénètrent les premières sur le territoire du Royaume dans une course folle pour atteindre et la côte (pour bloquer les Anglais) et Paris pour refaire les opérations de 1871. Du coup, après cette Grande Guerre, plus question de « flamandiser » les universités, plus question de neutralité armée sur le modèle helvétique, plus de germanophilie inconditionnelle comme avant 1914. Une infime minorité, mais une minorité significative englobant dans ses maigres rangs tout le spectre politique de la Belgique néerlandophone, opte pour un « activisme » indépendantiste avec l’appui allemand, rompant avec le « passivisme » de la plupart des notables qui avaient choisi l’attentisme ou le loyalisme. Un gouvernement flamand est mis sur pied à la fin des hostilités à Bruxelles, de même qu’un gouvernement wallon à Namur. Ses membres seront sévèrement jugés après la guerre ou seront contraint à l’exil en Allemagne ou aux Pays-Bas. Parmi ces exilés, souvent temporaires, les avant-gardistes littéraires et artistiques, ce qui aura un impact sur le développement ultérieur du mouvement flamand : mais ça, c’est une histoire très particulière, que je vous narrerai plus tard, si vous le souhaitez.
Après 1918, les soldats, revenus du front, sont majoritairement flamands (ou bruxellois) car, en Wallonie, on n’a pas eu le temps de mobiliser en août 1914, les Allemands ayant été rapidement maîtres des Ardennes et de la vallée de la Meuse, interceptant les communications ferroviaires. Ces soldats du mouvement VOS (= « Vlaamse Oudstrijders » ou « Anciens Combattants Flamands ») exigent leurs droits parce qu’ils ont donné leur sang (« Hier ons bloed, wanneer ons recht »). Les étudiants les rejoignent pour faire le coup de poing contre les fraternelles d’anciens combattants loyalistes. L’alliance militaire franco-belge, anti-neutraliste, est rejetée avec véhémence et les contestataires développent un antimilitarisme, qui a laissé des traces, et crient dans les rues « Los van Frankrijk » (= Rompre avec la France). En 1931, le Roi Albert I demande au Professeur Albert Carnoy de préparer la flamandisation de l’Université d’Etat de Gand. Ce sera fait en des délais très rapides. Mais les crises économiques successives, celle de 1929 et celle de 1932, jettent le trouble dans le pays : les gauches se radicalisent, le mouvement flamand également et, en marge du vieux parti catholique qui fut toujours au pouvoir, les jeunes se regroupent autour du mouvement Rex (« les jeunes plumes contre les vieilles barbes »). Les totalitarismes s’affirment et l’on se remet, aussi et surtout chez les socialistes, à lorgner vers l’Allemagne. Le Roi Léopold III proclame à nouveau la neutralité en octobre 1936, juste après le déclenchement de la guerre civile espagnole, où les exactions des légitimistes républicains révulsent les catholiques de Belgique, qui prennent évidemment fait et cause pour le soulèvement militaire. Après l’assassinat par la police républicaine de Madrid, noyautée par des éléments anarchistes, du diplomate belge, le jeune Baron Jacques de Borchgrave, les chefs de file socialistes, Paul-Henri Spaak et Henri De Man, décident, malgré les fortes résistances du Congrès de leur parti, de reconnaitre l’Espagne franquiste et de normaliser les relations avec le nouveau régime, même avant la fin de la guerre civile.
La seconde occupation allemande s’installe dans un pays ébranlé par les événements des années 1930, avec une gauche divisée suite à la guerre d’Espagne, et un mouvement flamand qui veut réactualiser l’activisme né sous la première occupation. Avec l’arrivée des troupes anglaises et américaines dans le pays, la loi martiale est proclamée et restera en vigueur jusqu’en 1951 : elle durera donc 32 mois de plus que l’occupation ! La répression est féroce : les prisons sont pleines à craquer et des camps de concentration s’installent dans tout le pays, contenant chacun quelque 20.000 pensionnaires, surtout des ouvriers et… des instituteurs. Cette répression (« repressie ») sera mal digérée : dès les années 50, un premier mouvement politique se constitue, la « Vlaamse concentratie » puis la « Volksunie », dont la revendication première est l’amnistie et l’autonomie voire la fédéralisation du pays. Dans les années 1950 et au début des années 1960, le mouvement réclame, avec certaines forces wallonnes, le tracé officiel d’une « frontière linguistique » qui sera celle séparant les « communautés », dont la base factuelle, concrète, est la langue majoritaire de la population (à terme, il y en aura trois : la flamande, la francophone et la germanophone). La « Volksunie » connaîtra des succès indéniables, culminant avec une participation au pouvoir à la fin des années 70. Comme on le sait, le pouvoir corrompt et, suite aux accords dits « d’Egmont », le parti s’adonne à des compromissions qu’une frange de son électorat n’admet pas. En 1978-79, la dissidence s’organise au sein du « Vlaams Blok » qui n’aura que de modeste succès électoraux jusqu’en 1991, où il passe subitement à 12 députés. Les partis démocrate-chrétien, socialiste et libéral évoquent un « dimanche noir ». Ils se décident d’appliquer le « cordon sanitaire », qui empoisonne la vie politique du royaume depuis 31 ans maintenant. Le VB connaîtra une ascension continue, se fera condamner en 2004 par une brochette de juges gantois, qui avaient une conception très « élastique » de la démocratie et de la séparation des pouvoirs dont ils se gargarisaient pourtant à qui mieux-mieux. Cette condamnation permettra au VB d’atteindre les scores électoraux les plus élevés de son histoire politique, le bon peuple méprisant, plus qu’ailleurs en Europe, les professions de juges et d’avocats, considérés comme des raseurs verbeux, étrangers aux concrétudes de ce bas monde. Un sondage du principal quotidien populaire flamand, Het Laatste Nieuws, avait prouvé naguère que ces professions, avec celle de journaliste, étaient les plus méprisées et que la plupart des mamans de Flandre ne voulaient pas d’un gendre exerçant de telles professions (au contraire des ingénieurs civils, des médecins, pharmaciens et ingénieurs informatiques ou agronomes). La condamnation du parti par des juges, posés comme sinistres pitres juste bons à éructer de la jactance ou du raboulisme, devait immanquablement provoquer une réaction favorable dans tous les foyers néerlandophones entre La Panne à l’Ouest et Maaseik à l’Est. Plus tard, cependant, le parti connaîtra un ressac inquiétant au début des années 2010, qui atteindra son comble aux élections de 2014. Ses adversaires le pensent définitivement mort. Mais le nouveau président Tom Van Grieken inversera rapidement cette tendance en remodelant le parti, qui se posait comme un « parti-cravache » : désormais Van Grieken veut faire de son parti, un parti de gouvernement potentiel. Ses réformes portent leurs fruits dès les élections municipales de 2018 puis aux régionales-législatives-européennes de 2019. Les sondages sont éloquents : à certains moments, plus de 25% des Flamands disent appuyer le parti. On verra quels résultats ce redressement entraînera lors des prochaines élections législatives, européennes et régionales en 2023 et 2024, à une époque où la « cancel culture » secoue tout le monde occidental et où l’effondrement moral et culturel de toutes les nations européennes a atteint un sommet vertigineux.
Tom Van Grieken, le sympathique leader du Vlaams Belang
La Wallonie, pendant ce temps, reste figée, sous la férule d’un parti socialiste omniprésent, très corrompu, mais qui perd toutefois de solides paquets de voix à chaque élections, notamment au profit des néo-communistes post-maoïstes du PTB (Parti du Travail de Belgique), dirigé par un parfait bilingue Raoul Hedebouw. La Wallonie est surtout dépourvue d’une vision cohérente d’elle-même. Elle est divisée, tacitement, entre un Ouest picard-hennuyer désindustrialisé, un bassin de Charleroi effondré par les récessions continues, un espace plutôt rural dans le Namurois et le Condroz (où il fait bon vivre), l’espace liégeois et les Ardennes rurales. Chacune de ces micro-régions a sa vision des choses. L’économiste gantois Stijn Baert constate toutefois que les provinces du Brabant wallon et du Luxembourg ont un taux d’emploi supérieur aux provinces d’Anvers et de Limbourg : la Wallonie est donc divisée en un axe Bruxelles-Luxembourg d’une part, relativement prospère, et un « sillon Sambre et Meuse » en déclin. Les tentatives de rénover le paysage politique et de remplacer petit à petit les partis habituellement dominants ont échoué, souvent à cause de l’impéritie crasse des challengeurs, théoriquement « populistes ». L’avenir dira si le PTB s’incrustera définitivement dans le paysage politique wallon, et si, comme le fit si souvent l’extrême-gauche, le parti de Hedebouw finira par devenir ou non le bouffon-qui-fait-peur du régime qui s’en servira pour bloquer l’ascension de toute véritable opposition ou s’il demeurera un môle de contestation et de rétivité face à un pouvoir totalement vendu à l’étranger américain ou français. Cependant, une véritable rétivité wallonne ne sera possible que si la région se souvient de sa vocation lotharingienne, rhénane-mosellane et centre-européenne, tout en se rappelant que ses seuls débouchés maritimes sont flamands ou néerlandais. L’avenir de la Wallonie, au-delà de toute limitation belge, se trouve dans des initiatives telles que l’Euro-Région (province de Liège avec les cantons germanophones, les deux provinces de Limbourg, la flamande et la néerlandaise, les Kreise allemands d’Aix-la-Chapelle et Düren) ou l’espace SarLorLux (Sarre, Lorraine, Luxembourg avec une projection vers la Franche-Comté (alimentée en biens depuis Anvers et Rotterdam !), Bâle et Genève, sans oublier le Palatinat mosellan. Le Hainaut, lui, est un espace mutilé par les conquêtes de Louis XIV : les morceaux annexés à la France sont en ressac, sauf, peut-être la métropole lilloise qui fut flamande et non hennuyère. Une telle renaissance, qui renouerait avec le lustre médiéval de ces régions ne pourra s’opérer avec un personnel unilingue francophone (même les socialistes en avaient conscience !). Le francophonisme exclusif, indice d’une sclérose profonde, est une calamité en cette région-carrefour. Mais il faut aussi espérer que la sortie hors de l’albanisation (on parle de Wall’albanie) ne se fera pas par l’usage d’un basic English boîteux…
Vous avez sorti en 2017 une trilogie au nom évocateur, “Europa”, dans laquelle vous défendez l’idée d’Europe. Pour vous, l’UE est-elle réformable, ou faudra-t-il forcément passer par une destruction de l’UE pour voir émerger l’Europe impériale que vous appelez de vos vœux ?
L’idée d’Europe, comme vous dites, n’est pas pour moi une « idée », soit une vision de l’esprit dépourvue de concrétude. Soit dit en passant : j’ai attrapé, en fréquentant certains milieux parisiens, une allergie au mot « idée » car on y parlait de « nos idées » avec des trémolos dans la voix, ce qui était un subterfuge pour échapper à la réalité tangible, pour vaticiner longuement sur des sujets sans pertinence politique ou stratégique. Pour moi, né à Uccle en Brabant, l’Europe, c’est celle du Saint-Empire médiéval (surtout celui de Konrad II, qui fut tout à la fois rhénan, rhodanien et danubien), un Empire romain germanisé qui fut son cœur territorial comprenant la Bohème d’Ottokar Przmysl et des empereurs de la maison du Luxembourg, et celle de Charles-Quint, puis celle hispano-autrichienne et impériale du 17ème, que mes ancêtres ont bien servie. La disparition de cet espace politique, son affaiblissement constant, est l’indice le plus patent du déclin de la civilisation européenne : la guerre de Trente Ans, les coups permanents portés par l’Empire ottoman en Hongrie, ont encore des effets de nos jours. Nous devons avoir une conscience historique pour sortir du marasme actuel. L’UE, avatar de la CECA, du Marché Commun de 1957 et de la CEE, a longtemps été un machin hybride : en effet, elle est, d’une part, une construction voulue par le Plan Marshall américain et, d’autre part, une volonté d’Européens issus de l’espace lotharingien (Adenauer le rhénan, De Gasperi le Cisalpin et Schuman le Lorrain), de mettre un terme aux affrontements franco-allemands qui ont ravagé l’Ouest du sous-continent européen en 1870-71, 1914-18 et 1939-45. Les deux derniers s’étant, avec l’intervention de l’Angleterre, mué en guerres mondiales, l’Empire britannique s’étendant sur la planète entière, sur tous les continents. La deuxième option, soit l’option lotharingienne, aurait été acceptable, à condition que l’on ne sombre pas, comme le faisait Adenauer à ses heures, dans une sorte d’occidentalisme antiprussien et antirusse (pour lui, à 50 km à l’Est de Cologne, on était en « Asie »). Sur base de ce lotharingisme et d’une praxis économique ordo-libérale ou socialiste (au meilleur sens du terme), voire sur des praxis dérivées des hétérodoxies économiques (les « troisièmes voies »), une Europe solide aurait d’abord émergé de ses ruines, se serait ensuite consolidée et serait devenue un pôle d’attractivité dans le monde, un modèle que l’on aurait voulu suivre ailleurs dans le monde, parce qu’il aurait été efficace, respectueux du travail humain et de la créativité intellectuelle, et aurait généré un indice de développement humain particulièrement élevé (avec valorisation des secteurs non marchands). L’arrivée du néolibéralisme en 1979, avec l’élection de Margaret Thatcher au poste de premier ministre au Royaume-Uni puis de Ronald Reagan à la présidence des Etats-Unis, a ruiné la perspective que j’appelle ici, par commodité, « lotharingienne ».
Reagan et Thatcher, fossoyeurs de l’Europe
Le néolibéralisme repose aussi sur un mental négateur de toute continuité historique et de toute obligation éthique, au sens de la Sittlichkeit de Fichte et de Hegel.
A partir de l’adoption de cette mixture idéologique contraire aux lois de l’histoire et de la philosophie éthique (héritée d’Aristote en Europe et de Confucius en Chine), la future Union Européenne (celle de Maastricht) est devenue progressivement un cauchemar pour les citoyens européens : fragilité de l’emploi, incertitudes quant à l’avenir, impossibilité de planifier le futur d’une famille traditionnelle, effondrement moral et repli individuel narcissique implosif, dérégulation à tous niveaux, détricotage des tissus industriels et des entreprises d’Etat, privatisations hasardeuses, excroissance affolante du secteur tertiaire (et surtout bancaire), spéculations effrénées, délocalisations vers l’Asie ou l’Afrique, disparition des petits emplois pour les non diplômées, multiplication des expériences de seconde main (Gehlen) et perte de tout contact direct avec le réel (Crawford), contrainte d’accepter des bullshits jobs (des jobs de merde – cf. Graeber), le tout assorti d’une immigration ingérable et inintégrable vu les détricotages et délocalisations, qui ont été et restent les pratiques du néolibéralisme, et d’une criminalité galopante, accentuée par la généralisation de la consommation de stupéfiants. Bref le tableau n’est pas rose, en Europe en particulier, en Occident et dans l’Anglosphère en général. Toute réaction négative dans les classes lésées (et elles sont quasiment toutes lésées) est assimilée à un populisme préparant un nouveau totalitarisme, interprétation malhonnête qui permet une répression tous azimuts par une censure arbitraire sur les réseaux sociaux, par le développement d’une mentalité punitive dans les fausses élites au pouvoir (la « France d’en haut » de Guilluy), par le matraquage et l’éborgnement des gilets jaunes ou des paysans néerlandais. Les fausses élites, dont le noyau idéologique initial était l’idéologie de Mai 68 qui prétendait « interdire d’interdire », ont fait subir une mutation à leur idéologie permissive : désormais, les mêmes bonshommes et les mêmes bonnes femmes appellent à la censure, renforcent les forces du désordre (je dis bien du « désordre »), ordonnent le tir systématique des grenades de désencerclement sur le visage des récalcitrants, foulent aux pieds la pratique conventionnelle de la démocratie en accordant davantage de droits aux infimes minorités du glauque univers sociétal qu’elles favorisent en en faisant leurs chiens de garde au même titre que les « remplaçants ». La justice suit, niant sa mission de pouvoir théoriquement indépendant. L’idéologie écologiste, dont les racines sont pourtant tout autre, sert de justificatif à cette folie répressive que les permissifs déclenchent contre toutes les catégories sociales.
On a l’impression que c’est l’Europe, et c’est partiellement vrai, qui a créé cet état de choses malsain et mortifère. Notons que les Etats nationaux (ou multinationaux) en place sont gérés par les mêmes coteries et favorisent ce mixte criminel de permissivité et de répressivité.
Le combat doit porter sur les deux niveaux : au sein des Etats nationaux (ou plurinationaux), au sein du Parlement européen pour faire ré-advenir en Europe une société guérie de ses maux (et ce sera très difficile) qui renouera avec ses atouts industriels et rétablira ses indices de développement humain, indices de civilisation, et créera de ce fait les conditions d’émergence d’un espace civilisationnel impérial, comparable aux espaces russe, indien et chinois. Les indices de développement humain sont justement ceux que le néolibéralisme a réduit quasi à néant : le système médical, l’enseignement, la culture, bref, les secteurs non marchands. Leur rétablissement et leur renforcement politique devra s’opérer contre ceux qui ont favorisé les vecteurs de déclin susmentionnés : l’appareil judiciaire et policier (fauteur de la répression des permissifs recyclés, ce qui appelle un retour de bâton, les jugeurs seront jugés), les systèmes bancaires et les grandes compagnies d’assurance (dont les animateurs devront se voir imposer le statut de complices d’ « associations de malfaiteurs », vu les crises successives qu’ils ont provoquées surtout depuis 2008), les grands systèmes de distribution responsables de la cherté croissante de la vie. En pratique, les animateurs des réseaux non marchands devront recevoir une sorte de pouvoir de police pour policer, justement, les autres, en possédant aussi leurs tribunaux : un produit devient plus cher, les gérants des chaînes de supermarchés passent devant un tribunal. Il va de soi que les « travailleurs » des secteurs assimilés à des « associations de malfaiteurs » ne possèderont plus d’autre droit de vote que celui qu’ils auront, de droit, au sein de leur entreprise. Les parlements devront refléter l’opinion des couches productives (secteurs primaire et secondaire) et des secteurs non marchands (ordre des médecins, pharmaciens, architectes, ingénieurs civils, universités – droit de veto des recteurs comme en Irlande- et corps enseignants, selon des conditions bien spécifiques quant à ses derniers, etc.).
La trilogie Europa de Robert Steuckers, à lire de toute urgence
Une Europe impériale est une Europe consciente de son histoire, consciente des impératifs de sa géopolitique (au-delà de tous les narratifs bellogènes colportés jadis par les Etats nationaux) et soucieuse de maintenir intact ses indices de développement humain et de les fortifier en permanence.
Quelle lecture faites-vous de la guerre en Ukraine ? Quelles conséquences pour l’Europe ?
Nous avons beaucoup parlé de l’Ukraine au cours de ces six derniers mois. Surtout bien sûr, après le déclenchement de l’ « Opération militaire spéciale » des Russes. Les médias occidentaux, les seuls que nous subissons, présentent l’événement sous l’angle d’une dichotomie hyper-simplificatrice. Il y a d’un côté le camp du Bien, avec un grand B, de l’autre les suppôts du Mal. Côté russe, les rôles sont inversés, bien entendu. Henry Kissinger, qui fut l’artisan de l’unipolarité américano-centrée, a pris des positions inattendues, notamment lors du dernier sommet de Davos. Kissinger s’inscrit dans la tradition « réaliste » (metternichienne) des relations internationales. Il s’oppose à la tradition « libérale », dite aussi « institutionnelle » : celle qui se revendique des « règles » (fixées une fois pour toute et posées comme immuables). Kissinger, comme tous ceux qui prennent en compte les faits historiques, ne peut se satisfaire de cette fixité et de cette immuabilité de « règles », dont l’application est forcément arbitraire et subjective. Or, quels sont ces faits historiques à retenir dans le cas du conflit russo-ukrainien actuel ?
Les Wisigoths, parti de Suède, du Gotland, avaient conquis les bassins de la Vistule, du Dniestr, du Dniepr et avaient atteint la Volga. Leur empire en gestation a été balayé par l’invasion des Huns à partir de 375. L’idée qu’ils avaient fait germer était d’unir la Baltique à la mer Noire et à la Caspienne (via la Volga). On parle depuis d’un axe géohistorique Nord-Sud, axe wisigothique ou varègue car les Varègues suédois ou Rus –ils ont deux noms- le rétabliront pendant plus de deux siècles : la Russie de Kiev, dont se réclament surtout les Ukrainiens mais aussi les Russes dans le conflit actuel, s’étend aux 10ème, 11ème et 12ème siècles de la Baltique (avec les villes de Pskov et Novgorod) aux rives de la mer Noire. C’est une Russie orthodoxe en gestation à l’Est du royaume polonais des rois Piast. Elle perdra, sous les coups des nomades turcs Coumans puis des Mongols au 13ème siècle, la maîtrise du littoral de la mer Noire. Un Khanat de Crimée prend le contrôle du littoral pontique de ce qui est aujourd’hui l’Ukraine ; il s’y arcboutera avec l’appui des Ottomans jusqu’à la fin du 18ème siècle. L’effondrement de la « Russie de Kiev » favorise l’éclosion d’une série de petites principautés de la région de Moscou (avant la fondation de la future capitale russe). Dans le vocabulaire médiéval européen, cette région s’appellera la « Moscovie ». A la fin du 15ème siècle, Ivan III libère définitivement du joug tatar/mongol les territoires de la Moscovie, qui, au cours des deux siècles précédents, s’est considérablement étendue vers le Nord-Est. A l’aube du 16ème siècle, une formidable puissance en formation se concentre sur le cours moyen de la Volga, ce qui éveille des souvenirs chez des marchands scandinaves, dont bon nombre sont devenus anglais. Ils créent à Londres une « English Muscovy Company », qui incite Ivan IV (dit le « Terrible ») à conquérir tout le cours de la Volga jusqu’à la Caspienne, afin de restaurer le commerce entre l’Europe du Nord, au départ d’Arkhangelsk et de la Baltique, et l’Empire perse via la Caspienne. Ivan IV réalise ce projet de conquête. Le Khanat de Crimée est isolé des Tatars et Mongols d’Asie et se place sous la protection des Ottomans, alors au faîte de leur puissance. Au même moment, à l’Ouest des territoires contrôlés par la Moscovie se forme une puissance redoutable, la Pologne-Lituanie des Jagellon, maîtresse de l’actuelle Biélorussie et de l’Ouest de l’Ukraine.
Ivan IV « le terrible »
La dynamique géopolitique et géo-historique de la région éclot à cette époque, à la charnière des 16ème et 17ème siècles : tant la Moscovie que la Pologne-Lituanie vont vouloir atteindre la mer Noire, restaurer l’axe Nord-Sud des Wisigoths et des Varègues. Ce double projet crée bien entendu un antagonisme virulent entre les deux protagonistes, hostiles tous deux aux Tatars du Khanat de Crimée et aux Ottomans. Mais cet ennemi commun, que l’on veut dépouiller de ses possessions sur la rive septentrionale de la mer Noire, ne crée pas l’unanimité et ne suscite aucune alliance. Les guerres se succèderont, aussi contre la Suède qui s’allie à une Pologne-Lituanie en déclin. La bataille de Poltava (1709) entre Russes et Suédois se solde par la défaite de ces derniers. Pierre le Grand entame aussi des campagnes pour atteindre la mer d’Azov, espace maritime en lequel se jette le Don, axe fluvial capital pour la Russie car il lie le large (par la mer Noire) à l’intérieur des terres russes. Cet espace maritime, dont le contrôle garantit la maîtrise de l’axe du Don, lié à la Volga par un canal, est sans nul doute l’enjeu majeur du conflit actuel, comme l’atteste la volonté de contrôler la Crimée et l’isthme de Kertch (avec le pont qui relie désormais la Crimée à la partie de la Russie où se trouvent des villes importantes comme Novorossisk et Krasnodar), le Donbass comme glacis face à la dernière portion du Don, de même que l’enjeu non négligeable des ports céréaliers et industriels de Marioupol et Berdiansk.
Pierre le Grand ne réalisera pas ses vœux de parachever la construction territoriale de son empire, de « rassembler les terres », comme le dit une expression russe : ce parachèvement sera l’œuvre de Catherine II (et de Potemkine) qui donnera le coup de butoir final et chassera définitivement les Ottomans de la rive nord de la mer Noire. En prenant la Crimée, Catherine y fit construire immédiatement une base navale, celle de Sébastopol. Une flotte russe moderne y mouille, capable à terme de bousculer les Ottomans, de franchir les détroits (le Bosphore, les Dardanelles) et de pénétrer dans l’Egée donc dans le bassin oriental de la Méditerranée, espace maritime que les Anglais entendent contrôler à leur seul profit. En 1791, huit ans après l’inclusion de la Crimée dans l’Empire de Catherine II, un mémorandum anonyme est remis aux Pitt, le père et le fils, qui gouvernent alors l’Angleterre. Il s’intitule « Russian Armament », soit « De l’armement de la Russie », armement au sens d’armer des navires. Ce document préconise de « contenir » la Russie pour qu’elle ne puisse jeter son dévolu dans le bassin oriental de la Méditerranée, en Syrie et en Egypte et de menacer ainsi la futur route vers les Indes car, à Londres, on envisage déjà de creuser un Canal vers la mer Rouge.
Les dés étaient jetés : si les négociants anglo-scandinaves du 16ème siècle voulaient libérer le cours de la Volga pour atteindre la Caspienne et la Perse et donnèrent ainsi le coup d’envoi aux reconquêtes russes de toutes les terres dominées par les khanats tatars, le pouvoir whig de l’Angleterre de la fin du 18ème veut une politique inverse, celle de contenir la Russie loin de la Méditerranée. La teneur du mémorandum adressé aux Pitt en 1791 est bel et bien la première mouture du plan anglais, puis américain, de damer le pion à la Russie. Bon nombre de guerres qui se déclencheront ultérieurement en portent la marque : l’alliance implicite de l’Angleterre et de l’Empire ottoman en déclin contre les interventions de Bonaparte en Egypte, parce que le Tsar Paul I entendait s’allier à Napoléon pour marcher sur les Indes à partir de ce qui est aujourd’hui le Kazakstan (avec les moyens techniques, hippomobiles, de l’époque, ce n’était pas possible) ; la prise d’Aden à l’extrémité sud de la mer Rouge en 1821, pour contrôler cet espace maritime de son extrémité nord (Port Saïd) à son extrémité sud (Aden) ; la guerre de Crimée pour porter secours aux Ottomans aux abois et c’est en cette guerre qu’il faut voir l’origine de l’anti-occidentalisme russe, bien exprimé dans le « Journal d’un écrivain » de Dostoïevski, dont il faut sans cesse recommander la lecture ; l’appui anglais aux Ottomans harcelés par les Russes et les peuples balkaniques en révolte, ce qui permettra à Londres de s’emparer de Chypre ; l’opération bâclée et meurtrière lancée par Churchill dans les Dardanelles en 1915, pour arriver à Constantinople avant les Russes ; l’appui des Britanniques aux Russes blancs dans l’espoir de scinder la Russie en deux et d’avoir un gouvernement rouge dans l’ancienne Moscovie médiévale et un gouvernement blanc en Crimée et en Ukraine ; l’appui français et anglais à la Pologne de Pilsudski qui, en 1920-21, qui ne cachait pas ses intentions de reconstituer la communauté polono-lituanienne contre la Russie et en englobant au moins une bonne moitié de l’Ukraine ; les efforts de Lord Curzon de consolider un « cordon sanitaire » entre l’Allemagne et la Russie qui venaient de signer les accords de Rapallo en 1922 ; le lâchage du gouvernement polonais de Londres pendant la seconde guerre mondiale pour se servir du sang des soldats de l’armée rouge pour tuer le « cochon perçu comme le plus dangereux » ; le soutien contradictoire, par après, à des dissidences visant à restaurer le rêve impérial de Pilsudski ; toutes les manœuvres pro-ukrainiennes après la chute du Rideau de fer, comme l’activation de la révolution orange en 2004 et de toutes les autres révolutions de couleur selon les stratégies mises au point par Gene Sharp et, enfin, le coup de Maïdan de 2014, avec l’appui du bateleur parisien habituel, BHL.
Des acteurs de la fameuse « révolution orange » de 2004, téléguidée depuis Washington.
Le but n’est pas de libérer l’Ukraine, qui mériterait pourtant bien de se relever et de redevenir un grenier à blé pour le monde, comme l’est aussi la Russie des mêmes terres noires (tchernozeml), notamment celles du Kouban. Une Ukraine libérée aurait bien mérité de voir le jour, en accord avec sa propre vision nationale, qui serait une Ukraine paysanne, qui aurait rendu nulles et non avenues les politiques de « dé-koulakisation » de Staline et les aberrations de la politique agricole soviétique avec les théories abracadabrantes de Lyssenko. Au lieu de cela, le gouvernement de Zelenski envisage de vendre les terres riches, les terres à blé et à maïs de l’Ukraine, à trois entreprises américaines dont on connaît les stratégies calamiteuses ailleurs dans le monde, notamment en Afrique : Monsanto, Dupont et Cargill. On passera donc d’une paysannerie « dé-koulakisée » et « kolkhozisée », non libre, à une paysannerie esclave de ces trois entreprises américaines. L’idéal ukrainien d’une paysannerie libre, débarrassée des horreurs soviétiques, ne se réalisera pas, ou trop partiellement. Catherine II, en conquérant la « Novorossiya », quasi contrôlée entièrement aujourd’hui par l’armée russe de Poutine, avait accordé la liberté à tous les paysans qui s’installaient sur ces terres nouvelles, quelle qu’ait été leur nationalité, russe orthodoxe, ukrainienne, allemande, bulgare ou grecque (des Grecs d’Anatolie échangés contre des Tatars souhaitant demeurer fidèles aux Ottomans). Cet idéal paysan était consubstantiel aux habitants de l’Ukraine et de la Novorossiya. De même, au Kouban, avec leurs célèbres cosaques. L’idéal de liberté s’était dressé contre les Polonais, qui ne le respectaient pas, et contre les Soviétiques qui l’avaient détruit provoquant des famines effroyables, l’Holodomor, qui, soit dit en passant, n’a pas frappé seulement l’Ukraine mais aussi le très vaste espace russe, dont le Kouban voisin du Donbass, le territoire du cours inférieur de la Volga et le Kazakstan (Arthur Koestler en fut le témoin et cela contribuera à le détacher du communisme, idéal de sa jeunesse).
Aujourd’hui, les enjeux sont donc, comme je viens de le dire, la Crimée, la mer d’Azov, le cours inférieur du Don et le Donbass. Mais il y a plus important : la possibilité pour les Européens, les Russes et les Chinois (et accessoirement les Indiens et les Iraniens) de créer les voies de communication terrestre entre l’Atlantique et le Pacifique, entre l’océan Indien et l’Arctique. Ce projet est vieux : il était implicite dans les conseils que donnait le philosophe, diplomate et mathématicien Leibniz à Pierre le Grand, Tsar russe. L’explorateur danois Vitus Bering avait exploré l’Arctique pour le compte des tsars. Les Chinois d’aujourd’hui ont réactivé le projet de Leibniz en lançant le fameux « Belt and Road Project », autrement dit les fameuses « routes de la soie ». Pour ne pas entièrement dépendre de ce projet chinois, Poutine a scellé plus récemment un accord avec les Indiens et les Iraniens pour constituer le « Corridor international de Transport Nord-Sud », qui partirait d’Inde, passerait par l’Iran et l’Azerbaïdjan (projet ferroviaire) puis par la Caspienne et la Volga (projet maritime et fluvial) et réaliserait les vœux de l’ « English Muscovy Company » du 16ème siècle. Les guerres qui se déroulent aujourd’hui visent à ruiner ces projets de construction de voies de communication terrestre, telles le choc entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie en septembre-octobre 2020, les sanctions contre l’Iran (qui relèvent d’une guerre hybride ou d’une guerre de quatrième dimension), les tentatives de déstabiliser le Kazakstan en janvier 2022 et, enfin, le déclenchement du cataclysme ukrainien en février de cette année. Les puissances anglo-saxonnes avaient inscrit leur idéal de liberté dans la nécessité de proclamer la liberté des mers, dès le 17ème siècle (et en dépit des trois guerres anglo-hollandaises). Avec cette liberté des mers, elles se sont donné la capacité d’intervenir partout dans le monde, de se doter d’une force de frappe ubiquitaire et de favoriser des blocus afin d’affamer les populations. L’organisation des communications terrestres par les puissances continentales, qui, ipso facto, en y procédant, réclament la « liberté des terres » leur permettrait d’échapper à l’arme par excellence des thalassocraties : la naissance de la géopolitique endiguante, codifiée par McKinder d’abord, par Spykman ensuite, se justifiait, aux yeux des stratégistes britanniques puis américains, par la mise en œuvre du chemin de fer transsibérien en 1904 sous le règne du pauvre tsar Nicolas II, qui finira massacré par les Bolcheviques. Le Transsibérien permettait d’acheminer des troupes rapidement d’un point de l’empire continental russe à un autre, conférant enfin une rapidité déterminante à ses armées en cas de guerre, ce qui n’avait pas été le cas lors de la Guerre de Crimée et avait permis la victoire anglo-française. La donne changeait, ce qui alarmait les stratégistes londoniens comme le « Corridor de transport international Nord-Sud » alarme aujourd’hui les stratégistes d’Outre-Atlantique.
La guerre en Ukraine coupe les lignes de communication entre l’Europe et l’Asie. À qui profite le crime ?
La guerre d’Ukraine sert donc à bloquer le « Corridor de Transport International Nord-Sud » et son couplage au système du Don et de la Volga. Cette grande voie de communications terrestres, ferroviaires, maritimes et fluviales raccourcit considérablement le trajet entre la Chine et l’Europe ou entre l’Inde et l’Europe, réduit le rôle du Canal de Suez (qui, de toutes les façons, est engorgé), relie l’océan Indien et l’Arctique, et les ports arctiques à Hambourg, Rotterdam et Anvers, ce qui explique le peu d’enthousiasme des Allemands et des Bénéluxiens pour la guerre par procuration menée par les Américains, les Britanniques, les Polonais et les Français contre la Russie en pariant sur le sang des pauvres soldats ukrainiens. L’Occident, c’est bien la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, avec leurs habituels mercenaires polonais d’obédience géopolitique jagellonnienne et pilsudzkienne, qui seront la seconde réserve de chair à canon. Ce sont ces trois puissances qui représentent la « révolution atlantique », autrement dit l’Occident moderne, post-médiéval, post-gothique, comme aimait à le dire mon professeur d’histoire, Jean-Philippe Peemans, par ailleurs critique incisif des menées néolibérales. Ces trois puissances sont en marge de l’Europe et face à elle : elles veulent sa mort, son insignifiance politique. Elles ont pour ADN théologico-idéologique l’iconoclasme des calvinismes anglo-hollandais du 16ème siècle, la violence politique de Cromwell, la sublimation hypocrite et cauteleuse de cette violence dans l’idéologie whig et la violence des jacobins et des sans-culottes de la révolution française : autant d’ingrédients destructeurs, volontairement et méchamment destructeurs, qui ont été recyclés au cours de ces cinq dernières décennies par le néolibéralisme détricoteur et déconstructiviste, par la camelote idéologique de la « nouvelle philosophie » d’un BHL, par l’idéologie woke et gendériste et par une interprétation déconstructiviste des droits de l’homme amorcée sous Carter et parachevée sous Clinton, poursuivie par son épouse qui la prolonge de manière de plus en plus hystérique dans le contexte de la politique intérieure américaine et dans les débats sur la politique extérieure agressive des Etats-Unis dans le monde.
La guerre en Ukraine a permis également aux Etats-Unis de consolider leur présence, par le biais de l’OTAN, dans la Baltique et à proximité de la mer Blanche en lisière de l’Arctique par l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’alliance atlantique. La disparition des deux états neutres est une calamité en Europe : il ne reste plus aucun espace de neutralité, à part la Suisse, l’Autriche et la Serbie mais les deux premières voient leur statut de neutre écorné et amoindri dans le contexte actuel. Une vaste zone neutre au centre de l’Europe, du Cercle polaire arctique à la Grèce, appelée à s’élargir, aurait pu garantir un processus graduel mais sûr de pacification après la chute du Mur de Berlin. Un tel processus n’est plus possible, ce qui est une catastrophe pour l’Europe et dont les effets seront désastreux dans les toutes prochaines décennies.
L’OTAN pousse toujours plus à l’Est
En plus, l’enjeu de la guerre en Ukraine est de réactiver la guerre contre l’Allemagne. Leibniz disait que les deux espaces de haute civilisation, l’Europe et la Chine, devaient être reliés par un pont et que ce rôle de « pont » devait logiquement échoir à la Moscovie. L’Allemagne actuelle a pour premier partenaire commercial la Chine et pour premier fournisseur d’énergie, la Russie. Elle est donc, et avec elle toute l’Europe, incluse, qu’on le veuille ou non, dans une « triade » germano-russo-chinoise, vœu des conservateurs-révolutionnaires et des nationaux-révolutionnaires de l’époque de la République de Weimar, dont Ernst Jünger et surtout, un homme demeuré inconnu dans l’espace linguistique francophone, Richard Scheringer, avocat de liens consolidés avec la Chine, tout comme Hergé l’était, avec son ami Tchang en Belgique. Sur la place de Paris, on trouve aujourd’hui de belles brochettes d’urbains blafards et bavards qui se gargarisent des propos philosophiques d’Ernst Jünger mais qui ne comprennent rien, strictement rien, à sa volonté bien arrêtée de construire la « triade », de lire les plans quinquennaux soviétiques et de soutenir les architectes allemands qui construisaient les villes nouvelles soviétiques loin des littoraux contrôlés par les puissances thalassocratiques et occidentales. La triade, tacitement, silencieusement, était devenue une réalité géo-économique bien tangible dans les deux premières décennies du 21ème siècle : l’Occident déconstructiviste, iconoclaste, entend la détruire ; c’est la guerre actuelle en Ukraine dont le premier perdant est l’Allemagne et tout son hinterland européen (surtout l’Italie). Plus d’énergie, à la grande joie des bourriques et des cinglés « écologistes » qui la gouvernent depuis le départ sans gloire de la mère Merkel. Plus de débouchés commerciaux valides : seule perspective, la ruine. Il y a tout lieu de croire que le premier ennemi réel (et non nécessairement déclaré) de l’Occident était l’Allemagne donc l’Europe. Mais les vieux bavouilleux pseudo-jüngeriens et les jeunes perroquets qui les singent n’y voient goutte : ils recourent aux forêts, prétendent-ils, font un petit tour parmi les chênaies les plus proches (à condition qu’elles soient bien entretenues par les « Eaux & Forêts »), voient un écureuil batifoler à la recherche de glands et, hourra, ils se sentent anarques et non conformistes, rebelles impavides, éminemment supérieurs à leurs contemporains et traitent de beauf votre serviteur qui a le souci bien trivial de songer à l’avenir économique de l’Europe.
Pour vous, quelle position devrait adopter l’Europe face à la montée en puissance de la Chine ?
La Chine est une vieille civilisation, reposant sur des principes qui semblent complètement immuables et il serait vain de vouloir les ignorer, encore plus vain de vouloir les éradiquer. Si la Chine est montée en puissance, comme vous dites, c’est parce que l’Occident, l’Américanosphère, dont nous faisons partie à notre corps défendant, a appliqué la désastreuse politique néolibérale de la « délocalisation ». La Chine est ainsi devenue l’atelier des Etats-Unis d’abord, du monde ensuite. Il suffit de constater le nombre d’objets usuels, dans notre quotidien, qui sont « made in China » pour voir quelle ampleur ce rôle d’atelier a pris dans le monde. Quand Christophe Guilluy parle d’une « France périphérique » face à une France encore en piste autour de quatorze môles urbains, il démontre simultanément que les petites usines de province qui faisaient la prospérité de petites villes ou de gros bourgs, sinon de villages, ont disparu sous les coups d’une délocalisation qui ne s’est pas nécessairement portée vers la Chine. L’Américanosphère a imaginé, et l’UE à sa suite, que nous pouvions uniquement vivre de services (donc du secteur tertiaire). Funeste erreur ! La Chine actuelle a compris que le maoïsme, c’est-à-dire l’idéologie marxiste sinisée née d’une volonté d’imitation des modes occidentales, avait fait fausse route : il serait fastidieux, dans le présent entretien, de retracer la grande complexité de l’histoire intellectuelle chinoise des deux derniers siècles, où les idéologies occidentales se sont moulées dans les plis de la pensée antique chinoise et ont pris ainsi des traits inhabituels pour nous. Cependant, le modèle des réformateurs chinois, du Kuo Min Tang nationaliste-républicain d’abord, des communistes ensuite, a été la révolution Meiji au Japon. Le Japon, voulant devenir un phare pour toutes les autres nations asiatiques, avait créé une « université japonaise » en Chine, dont sortirent bon nombre de réformateurs chinois. L’influence allemande a été considérable pendant l’entre-deux-guerres et le grand économiste allemand Friedrich List a inspiré plus d’un théoricien du Kuo Min Tang et, plus que probablement, du communisme chinois. L’idée d’une industrialisation totale, au détriment de l’agrocratie traditionnelle chinoise, relève d’une interprétation par trop schématique des idées de List. En revanche, l’idée d’investir la plus-value de l’industrie manufacturière chinoise et du commerce effréné de la Chine nouvelle dans le développement d’infrastructures ferroviaires et dans des politiques écologiques originales (correspondant au respect de la Chine traditionnelle pour la nature) est une idée féconde tirée, elle aussi, de List.
La Chine monte-t-elle en puissance ou bien est-ce l’Europe qui s’effondre ?
Si la Chine monte en puissance, c’est parce que nous avons « délocalisé », abandonné toute notion d’une économie contextualisée en notre propre contexte territorial et parce que nous avons abandonné les théories économiques de List et les projets d’une économie patrimoniale rhénane (selon la terminologie utilisée par Michel Albert au début des années 1990). La Chine non seulement s’affirme au départ de son propre territoire mais pose des jalons en Amérique latine, alors que nous aurions dû y être avant elle, et en Afrique, où elle aide au développement sans demander aux Africains de singer les lubies post-hippie, gendéristes et droit-de-l’hommistes du gauchisme euro-américain, dont Hillary Clinton est l’égérie la plus bruyante. En fait, si les réformistes chinois, qui entendaient sortir leur espace civilisationnel plurimillénaire de la mouise où il végétait (le « siècle de la honte »), les Européens devraient, aujourd’hui, à leur tour, imiter le pragmatisme efficace des Chinois en allant, là-bas, à l’ombre de la Grande Muraille, récupérer les idées qu’ils avaient transmises à une époque où ils ne se vautraient pas dans des élucubrations idéologiques délétères.
En 2017, vous avez publié le livre “Pages celtiques” aux Editions du Lore. Pourquoi un tel livre ? Quelle place pour le monde celtique et la Bretagne dans la civilisation européenne ?
On ne peut impunément gouverner un espace politique, de quelque dimension que ce soit, lui assurer la force de résilience sur le long terme, si on ne prend pas en compte la dimension vernaculaire, dont les renouveaux celtisants en Irlande, au Pays de Galles et en Bretagne se sont fait les champions contre des systèmes politiques imposés qui se gargarisaient d’universalismes à quatre sous. Ce livre offre du divers : il se penche sur les dimensions irlando-écossaises du christianisme européen des débuts, à l’heure où la crise religieuse est particulièrement préoccupante en Europe occidentale. Dans le texte d’une allocution, qui figure dans ce recueil et que j’avais prononcée à une université d’été des « Oiseaux Migrateurs », un mouvement de jeunesse normand patronné par feu Jean Mabire, j’évoque en long et en large les avatars du christianisme celtique et montre que cette voie, bloquée par Rome à l’époque, aurait pu donner à l’Europe une religiosité plus conforme à l’esprit européen. D’autres textes explorent la religiosité celtique sous différents aspects. Dans le texte d’une autre conférence, reprise dans Pages celtiques, conférence que j’avais prononcée au Château Coloma près de Bruxelles, j’aborde essentiellement le mouvement celtisant irlandais à partir du 19ème siècle au sein du Royaume-Uni. J’y démontre, en m’appuyant sur les travaux de l’historien Peter Berresford Ellis, que le celtisme est l’antidote à l’esprit puritain et whig anglais, qui, lui, est europhobe, hostile à notre espace civilisationnel (et pas seulement à l’UE !). Le celtisme débouche aussi sur la fusion entre cette spiritualité, exprimée par Padraig Pearse, et le syndicalisme révolutionnaire de James Connolly.
Pearse et Connolly, le nationaliste et le syndicaliste, les deux héros de la Révolution Irlandaise.
Cette synthèse donne une formidable dimension au nationalisme révolutionnaire, comme l’avait remarqué, en 1980, le théoricien germano-danois Henning Eichberg, hélas décédé en 2017. Cette conférence se voulait un approfondissement du texte programmatique que Eichberg avait esquissé à la fin des années 1970. Ensuite, il y a l’hommage rendu à Olier Mordrel pour la revue de l’Association des Amis de Jean Mabire (cf. infra). Enfin, le texte d’une conférence donnée dans le cadre de « Terre & Peuple-Lorraine » en 2012, où il est peut-être moins question de celtisme que de réhabiliter le filon philosophique lancé par Herder à la fin du 18ème siècle, avec une pensée des Lumières qui tienne compte des racines et qui refuse de les éradiquer. Ces « Lumières herdériennes » sont l’antidote aux philosophades déracinantes du philosophe allemand Jürgen Habermas et du bateleur d’estrade parisien Bernard-Henri Lévy. Cette dernière intervention a évidemment un caractère programmatique, dans le sens où il désigne, assez clairement, je pense, l’ennemi philosophique.
Dans ce livre, vous rendiez un bel hommage à Olier Mordrel, auteur qui est cher au cœur de tous les nationalistes bretons non reniés. Quel regard portez-vous sur le nationalisme breton ?
En mars 1981, je m’étais à peine installé dans mon bureau de la rédaction de Nouvelle école à Paris, à côté du bureau de Guillaume Faye, qu’Olier Mordrel me téléphonait, à moi, encore tout gamin, pour me demander de lire et de critiquer ( !) le manuscrit de son excellent ouvrage Le mythe de l’Hexagone. Immédiatement, sans jamais nous être vu, le courant est passé entre cet homme âgé, mûri par les coups de l’adversité et l’exil, et l’étudiant naïf, tout juste diplômé que j’étais. Nous n’avons cessé de correspondre, souvent par téléphone et, trois semaines avant de mourir, Mordrel m’a annoncé qu’il mettait sous pli un article pour ma revue qui, disait-il, s’immergeait dans le vécu. Un compliment que je médite très souvent, sinon tous les jours. En effet : il faut être toujours attentif à ne pas décevoir Mordrel, éviter sans cesse de basculer dans l’abstraction, la jactance et la cuistrerie. Mordrel, dans ses mémoires, et je le rappelle dans Pages celtiques, avait préconisé dans la revue Stur avant-guerre, ce recours incessant au vécu et au réel pour circonvenir les insuffisances des intellectuels parisiens.
Olier Mordrel, père du nationalisme breton moderne, connaissait Robert Steuckers
L’engouement breton ne me vient pas d’un voyage en Bretagne, où je ne me rendrai qu’en 2019 à l’âge de 63 ans ( !). Il est venu très tôt, d’un condisciple de l’école primaire dont le père était Ardennais et la mère Bretonne. Etudiant en droit, plus tard, il apprenait à jouer du biniou dans mon quartier. Perdu de vue, il m’a contacté 46 ans plus tard : il était toujours bretonnant mais avait pris goût à l’Asie profonde, où il voyageait souvent, ramenant du Népal, du Bhoutan, du Laos ou du Sikkim des photos extraordinaires !
Quant au nationalisme breton, j’ai croisé surtout Simon-Pierre Delorme qui tenait le local de KerVreizh à Paris. Plus tard, quand Faye s’est replié sur le quartier de Montparnasse avec son ami Yann-Ber Tillenon et où apparaissait souvent Goulven Pennaod et Philippe Jouët, mes rapports ont été plus personnels : jamais je ne me suis disputé avec un camarade breton ! Aujourd’hui, je tente très modestement d’aider à la promotion de la revue War Raok de Padraig Montauzier, rencontré lors d’un colloque à Anvers. Je lis attentivement Breizh-Info, suivi également par une militante bretonne qui fait des études à Bruxelles et qui ne manque jamais de nous faire rapport lors de nos réunions amicales, et je traduis certains articles et entretiens de cette revue en ligne en allemand et en néerlandais. Un camarade catalan, Enric Ravello Barber, les traduit et les mets en ligne en espagnol. Je ne connais évidemment pas le nationalisme breton militant en terre armoricaine même. J’apprends en lisant des informations à gauche et à droite, que le mouvement breton et que la politique bretonne sont divisés selon le clivage gauche/droite, qu’il faudrait, comme partout ailleurs, en terres celtiques, surmonter définitivement pour devenir un véritable pôle de rétivité.
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Nous vous laissons le mot de la fin.
Bonne chance à tous !
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