Les Américains à Raqa

11.11.2016
Le retour en force des Etats-Unis en Syrie et dans tout le Moyen Orient peut dépendre de la prise de Raqa par la coalition dont ils ont pris la tête.

Nous avons souvent répété ici ce qui n'est d'ailleurs un secret pour personne connaissant la guerre froide menée depuis des décennies par les Etats-Unis contre la Russie: ils veulent en Syrie obtenir la chute de Bashar al Assad, allié de la Russie. Pour cela, ils ont depuis des mois soutenu des mouvements terroristes, dits terroristes modérée, malgré le fait que ceux-ci coopèrent étroitement avec les forces de l'Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak, EI que par ailleurs ils affirment combattre dans le cadre d'une coalition d'Etats pétro arabes, avec participation de la France, dont ils ont pris la tête.

Or les succès récents des forces régulières syrienne soutenues par les Russes pour la reconquête d'Alep étaient considérés comme très dangereux pour le maintien de la présence américaine. La prise de Mossoul, un des bastion de l'EI en Irak qui d'ailleurs semble de plus en plus long à céder le terrain, ne suffira pas aux Américains. Aussi bien en attendant, la prise de Raqa par la coalition américano-arabe, rejointe par les toujours très efficaces peshmergas kurdes, signifierait un retour en force des Américains en Syrie. Aussi ont-ils toujours refusé d'y associer Damas, ce qui en droit international aurait été normal puisque Raqa est en territoire syrien (voir carte).

Dans le cas très probable d'une victoire à Raqa, dont d'ailleurs le coût humain civil sera au moins égal à celui de la bataille pour Alep, mais dont les ONG ne diront rien, une partie du territoire syrien tomberait sous le contrôle de forces rebelles soutenues par les Etats-Unis. Sans doute aussi s'y joindraient des troupes au sol américaines, comme en Irak mais sur une plus grande échelle. Les Etats-Unis auraient donc repris pied en Syrie où ils contesteraient aux Russes le monopole militaire. Le silence du gouvernement russe devant cette éventualité s'explique sans doute par le fait que Moscou la considère inévitable, sauf à s'engager dans des opérations pouvant déboucher sur un affrontement militaire direct avec les Etats-Unis.

Sachant le rôle dévastateur mené par ces derniers au Moyen Orient dit étendu, avec des dizaines de millions de morts et une explosion des migrations notamment vers l'Europe, ce retour en force américain ne serait pas une bonne nouvelle pour le reste du monde.Reste cependant à savoir de quel côté penchera la Turquie, après la chute de Mossoul et de Raqa, auxquelles elle sera inévitablement associée. Son poids dans la région est grand. On peut penser que sa coopération avec la Russie l'emportera. Erdogan semble mal supporter les complicités entre les Américains et les Kurdes.