KOUJICHAGOULISME SPIRITUEL

20.02.2024

Dans l'article précédent intitulé « les conditions d'un koujichagoulisme »  j'ai abordé la question de la nécessaire union des Noirs en tant que communauté de destin autodéterminé, et surtout la nécessité pour l'Afrique de structurer en tant que pôle noir qui compte. Il est important que les Noirs du monde ne négligent pas la composante spirituelle et religieuse qui caractérise les sociétés mélanodermiques. Les Noirs doivent s’unir au nom d’un seul objectif et d’un seul destin, mais surtout au nom d’un seul Dieu.

DIFFÉRENCE ENTRE RELIGION ET SPIRITUALITÉ

Lorsqu'on s'immerge dans la globalité noire (la partie de l'Afrique définie comme « subsaharienne », les communautés Noires qui vont devoir s'organiser dans la diaspora américaine et européenne autour des principes du Koujichagoulisme, des Melanodermes d'Australie, de la Mélanésie , Nouvelle-Papouasie-Guinée, Nouvelle-Calédonie, Inde, Sri Lanka, etc.), ce qu'il faut d'abord distinguer est la différence entre religion et spiritualité.

Le terme spiritualité dérive de « spiritualitas » qui vient à son tour de spiritus en latin, c'est-à-dire « souffle vital », tandis que le terme religion dérive de « religio » qui vient du verbe latin religere (ou religare) qui signifie « collecter » et « lier ».

Dans les sociétés mélanodermiques, cette différence est de taille, puisque les populations mélanodermiques représentent l’aboriginalité de l’humanité. Ces populations mélanodermiques (définies par les anthropologues leucodermes comme « primitives », souvent de manière péjorative) sont les premières à avoir été en contact avec l'Etre Suprême (autrement appelé Dieu) et avec ses préceptes, elles furent les premières à avoir reçu ses enseignements, à travers des règles de vie appelées « spiritualité ». Il n'y avait pas de livres sacrés profanés, le caractère sacré et le pouvoir de l'Être Suprême se manifestaient autrement. Il fut donc un temps où les populations mélanodermiques n'avaient pas besoin d'un morceau de papier, qui rassemblait un vestige du Créateur. La religion naîtra plus tard et sera uniquement et exclusivement le fruit du retour de l'homme à la spiritualité à une époque de perdition. La spiritualité est innée chez les populations mélanodermiques originelles, la religion est le fruit de l'homme pour atteindre le souffle vital lié au Créateur.

Dans l’article précédent, j’ai affirmé que le rôle du Koujichagoulisme que j’expose doit être d’unir la Famille Noire Globale, quel que soit son taux de mélanodermie, sa religion ou son orientation sexuelle. Le Koujichagoulisme spirituel devra tenir compte du fait qu’au sein de la Famille Noire Globale, il y a ceux qui sont dans une dynamique de religions révélées et ceux qui sont dans la dynamique spirituelle. Le but du Koujichagoulisme dans son approche spirituelle ne doit pas être d’affirmer naïvement qu’il faut aller au-delà des religions et des croyances spirituelles et s’y conformer. Ceci, en plus d’être utopique et impossible, générerait davantage de divisions au lieu d’unir. Le but du Koujichagoulisme doit être de nous unir sur le chemin de l’harmonie.

GOUVERNEMENT SPIRITUEL

Dans toutes les spiritualités des populations mélanodermiques, il existe une sorte de gouvernement spirituel avec des rôles bien hiérarchisés. Quelle que soit la déclinaison culturelle de chaque population, le critère de ce concept de « gouvernement spirituel » est le même. Dans différentes spiritualités, il existe un Être Suprême avec un rôle supérieur et des êtres déifiés ou semi-divinisés. L'Etre Suprême et les êtres déifiés n'ont pas les mêmes rôles et ne sont pas dans la même catégorie de fonctionnement spirituel.

  • SPIRITUALISME AKAN : Chez les Akan d'Afrique de l'Ouest, l'Être Suprême est appelé Nyame, tandis que les êtres déifiés inférieurs sont appelés absom. Les absom sont définis comme les enfants de Nyame.
  • SPIRITUALISME KISSI : Parmi le peuple Kissi qui peuple l'Afrique de l'Ouest, l'Être Suprême est appelé Hala Massa (Dieu Tout-Puissant), tandis que les déifiés sont appelés pomda. Les Kissi accordent une grande importance aux pomda auxquels ils consacrent des invocations qui font office de lien avec Hala Massa.
  • SPIRITUALISME VAUDOU : Le Vaudou est une éthique de vie, ainsi qu'une loi spirituelle, pratiquée en Afrique de l'Ouest et dans la diaspora, ainsi qu'au Bénin et dans les Amériques, précisément. Même le Vaudou tant diabolisé par l'impérialisme occidental a sa propre configuration composée de : Mawu-Lisa (Être Suprême), les Vodoun (êtres inférieurs à Mawu qui sont déifiés) et les Loa (sortes d'esprits inférieurs au Vodouns et à Mawu). Mawu est le Créateur, selon les vaudouisants, mais aucun culte ne lui est dédié, à l'exception des Loa. Le Vaudou est accessible via un processus d'initiation.
  • SPIRITUALISME YORÙBÁ : Parmi les populations Yorùbá vivant en Afrique de l'Ouest, il y a les Orishas (ce sont les Êtres Inférieurs Déifiés), l'entité appelée Orishanla (le Grand Orisha) et le Créateur s'appelle Olodumare. Souvent, certains chercheurs mettent ces trois catégories spirituelles hiérarchiques sur le même plan, effaçant ainsi le fait que dans la logique du gouvernement spirituel au sens yorùbá (et in extenso Africaine), elles sont très distinctes.
  • SPIRITUALISME MANDEN : Selon les populations Manden (ou Mandingues) il existe un mythe de la création du monde qui doit être identifié dans Maa Ngala (considéré comme le Créateur/Etre Suprême). Maa Ngala est l'Etre Suprême qui a donné naissance à toute forme de vie et au monde en général, et selon la mythologie des populations d'origine mandingue, Maa Ngala aurait créé des surhommes déifiés qui à leur tour auraient donné naissance à l'homme d'aujourd'hui.
  • SPIRITUALISME KONGO : Parmi les populations Kongo il y a le Muntu (qui est l'Homme), et le Grand Muntu (qui est l'Etre Suprême). Ce Grand Muntu aux pouvoirs mystiques, qui est Omnipotent, Créateur et Suprême, s'appelle Nzambe. Même parmi les populations Kongo, Nzambe a son gouvernement spirituel avec ses élus et représentants que sont les Êtres inférieurs déifiés. Comme dans toutes les autres émanations spirituelles du continent noir, l'Homme ne voue jamais de culte directement à Nzambe (bien qu'il reconnaisse sa toute-puissance et son existence), sauf à ses représentants déifiés.
  • SPIRITUALISME ZULU: Le peuple zulu s’est toujours reconnu et défini comme le peuple le plus proche du Créateur. D'un autre côté, le terme « Zulu » dans la langue indigène à l'Afrique du Sud signifie « ciel ». Le peuple zulu croit que l'Être suprême est Unkulunkulu, qui serait pour eux l'Ancêtre des Êtres inférieurs déifiés et de l'humanité en général. Avec la pénétration des religions révélées, comme le Christianisme, le terme Unkulunkulu est souvent utilisé pour définir le Dieu chrétien.
  • SPIRITUALISME EN AFRIQUE DE L'EST : L'Être Suprême est appelé Waaq, tandis que les Êtres Inférieurs Déifiés sont appelés Dzar ou Zar chez certaines populations d'Afrique de l'Est. Ici aussi, nous assistons à la structuration du gouvernement spirituel.

Nous avons vu les formes de spiritualité sur le continent africain. La spiritualité noire ne se limite pas à l’Afrique. Comme nous l’avons dit, l’Homme Noir est l’Homme Originel et il est présent partout. Il a laissé des vestiges partout. Il n’y a donc aucune raison pour que son fonctionnement et sa présence spirituelle ne soient pas également présents en dehors du continent africain.

  • ASIE : Les différentes religions et spiritualités que nous connaissons dans le monde asiatique sont le fruit de la science Négro-Africain. Le taoïsme, l’hindouisme, le bouddhisme et bien d’autres dérivent de la spiritualité noire africaine. L'hindouisme est aujourd'hui un mélange de vitalisme matriarcal et monothéiste d'Afrique noire qui entraîne une série de cultes égyptiens (pratiqués par les Noirs de la vallée du Nil) pratiqués par les Dravidiens (descendants d'Africains noirs) et de croyances dérivées des Aryas, le peuple leucoderme qui avait une forte composante patriarcale dans ses croyances d’essence polythéiste. De ce syncrétisme naîtra l’Hindouisme. Le bouddhisme est également d'origine africaine : c'est une forme de religion qui dérive du philosophe Siddhārtha Gautama (communément appelé Bouddha), qui vécut au 5ème siècle avant JC et qui, selon Cheikh Anta Diop, était un prêtre égyptien qui s'enfuit à l'Est du pays monde. D'autres proposent d'autres thèses. Bouddha était Noir, malgré la suprématie blanche d’aujourd’hui tente de blanchir l’histoire, la culture et chaque contribution des Noirs. Le bouddhisme ne serait rien d’autre qu’une reproduction des cultes et valeurs monothéistes de la vallée du Nil. Le bouddhisme est basé sur le dharma (loi fondatrice du bouddhisme) qui s'inspire des 42 commandements de la Maât égyptienne. Dans son livre « Cent mille ans de présence africaine en Asie », l'intellectuelle Runoko Rashidi démontre et affirme qu'à l'époque de Gautama, il existait une forte concentration de populations Noires en Asie. Ce n'est que plus tard que les pensées de Gautama furent codifiées et sa silhouette blanchie. Le même sort a été réservé à Lao Tseu, figure importante d'une Chine du VIe siècle peuplée majoritairement de Noirs, fondateur du taoïsme, un concept basé sur les valeurs vitalistes de l'Afrique noire.
  • OCÉANIE : Que ce soit en Australie, en Mélanésie, en Papouasie Nouvelle Guinée, en Nouvelle Calédonie, etc., les populations Mélanodermes accordent beaucoup d'importance à la Nature, au culte ancestral et il existe une logique de gouvernement spirituel (Être Suprême/Êtres Déifiés Inférieurs /Caractère vitaliste africain). Rappelons qu'outre l'Afrique, les populations les plus anciennes, descendantes des Noirs du continent africain, se retrouvent également en Océanie (bien que définie comme ''Le Tout Nouveau Continent'' en relation avec les colonisations et explorations des populations leucodermes).
  • AMÉRIQUE DU SUD : L’Amérique du Sud est un continent où il y a eu une importante émigration en provenance d’Afrique. Précisons ici que les descendants des Noirs de ce continent ne sont pas nécessairement des descendants de Noirs réduits en esclavage. Il existe 2 catégories en Amérique du Sud : les Noirs arrivés par l’émigration à des époques lointaines, mais aussi plus tard (il suffit de penser à la synergie entre l’Empire Manden et les populations indiennes), et les Noirs arrivés par la traite négrrière capitaliste de la civilisation leucoderme. Dans cette partie du monde, les Noirs ont apporté avec eux des concepts, des visions et des réflexions spirituelles qui caractérisent leur culture. Le vitalisme africain est fortement présent en Amérique du Sud et a également influencé la conception spirituelle des Indiens eux-mêmes. Il existe actuellement plusieurs syncrétismes religieux dans les Amériques : Candomble, Vaudou (en Haïti, Amérique centrale), Santeria, etc. Ce sont tous des syncrétismes qui sont la synthèse des cultes yorùbà, kongo, manden, égyptiens, etc.

Nous avons donc cité ici toutes les visions spirituelles vitalistes qui caractérisent les mélanodermes (qui sont toutes monothéistes, et non polythéistes comme le prétendent souvent de nombreux chercheurs. Les Noirs croient en un Dieu, qu'ils différencient des Êtres inférieurs déifiés, contrairement à la vision du polythéisme gréco-romain), mais n'oublions pas que des religions comme le christianisme et l'islam (qui ont pourtant des racines africaines, si l'on s'informe avec rigueur et profondeur), considérées comme « religions importées » sont pratiquées par les Melanodermes. Face à cette réalité spiritualité/religions on se retrouve souvent face à 2 extrêmes : ceux qui considèrent les spiritualités mélanodermiques initiales comme « barbares » et « sauvages » tout en prenant en considération les vestiges coloniaux des diabolisations, d'autre part il y a ceux qui ont un comportement d'intolérance religieuse et d'ethnocentrisme (une posture véhiculée par des environnements idéologiques tels que le courant kamite, qui considère comme aliéné et erroné quiconque suit les diktats religieux révélés). Dans l'article précédent, j'ai abordé la nécessité d'appliquer le Koujichagoulisme radical au niveau communautaire, dans le sens où dans la diaspora, il y aura des communautés Noires fermées et autodéterminées avec un conseil de base communautaire, un représentant général et un coordinateur d'un système économique circulaire, le tout interconnecté à l'Afrique qui devra être structuré en Pole (le Neter Farafina Himaya) avec un conseil des sages, un guide gouvernemental, un système de gouvernement basé sur un pouvoir géré par les meilleurs en synergie avec le peuple. Il y a ici une hiérarchisation, mais dans une perspective unitaire vers une élévation collective. Une élévation collective qui devra surmonter toutes les différences : nationalité, ethnicité, taux mélanodermique, orientation religieuse et orientation sexuelle. Le Koujichagoulisme qui se présente comme une hiérarchisation dans l’unité devra combattre toute forme de discrimination et d’oppression  qui va dans la logique de diviser la Famille Noire Globale. Il doit en être de même sur le plan religieux/spirituel (sur le plan spirituel : concept de « gouvernement spirituel » / sur le plan de l'organisation diasporique : communautarisme / sur le plan géopolitique : pôle Afrique et centre de décision politique (Neter Farafina Himaya) avec une nouvelle forme hiérarchique).

KOUJICHAGOULISME SPIRITUEL: LAISSER COEXITER RELIGIONS ET SPIRITUALITÉ

Le Koujichagoulisme devra donc faire coexister religions et spiritualités, puisque les discussions sur la religion représentent malheureusement un sujet qui risque de créer la division entre Noirs/Mélanodermes. Ce qu'il faut c'est :

  • -Lutte contre les stéréotypes coloniaux : Les Noirs et les Mélanodermes doivent combattre les stéréotypes coloniaux qui diabolisent leur spiritualité. Chaque civilisation du monde a mis sa base spirituelle au centre pour avancer (même si cette « base spirituelle » est le fruit des Noirs, comme le rappelle le géant Dr Cheikh Anta Diop). Le Vaudou n'est pas de la sorcellerie ou du satanisme comme les gens veulent le faire croire. Le Vaudou est une éthique de vie et un paradigme spirituel. Accuser tous les vaudouisants de pratiquer la sorcellerie et le satanisme est aussi faux que de déclarer que lorsque le KKK a pendu des Noirs au nom du Christ, il l'a fait au nom de tous les chrétiens, ou que lorsque Boko Haram tue des prolétaires innocents au nom d'Allah, ils tueraient au nom de tous les musulmans. Avoir une telle pensée, en plus d’être fausse, est dangereux.
  • -Lutte contre les divisions horizontales menées par le courant kamite : Le courant kamite, qui s'appuie sur l'Afrocentisme, extrémisant ses côtés vers une vision négative, est très souvent intolérant envers son propre peuple. Pour les défenseurs de ce courant, être chrétien signifierait être leucodermisé, être musulman signifierait être arabisé, être athée (car oui, chacun est libre d'être ce qu'il veut) signifierait être aliéné. C'est une pensée hostile envers quiconque ne suit pas les diktats réactionnaires de ce courant kamite (anti-panafricain et anti-unité) : il se caractérise par un égyptocentrisme maladif (seul Kemet existe et seulement Kemet, pour eux), l'homophobie ( ils semblent ignorer Khnumhotep et Niankhkhnum, le premier couple homosexuel de l'histoire de l'Égypte ancienne) et l'exclusion d'une partie fondamentale de la Famille Noire Globale. Quant à l'égyptocentrisme (qu'ils appellent kémitisme), il est important de rappeler que l'Égypte ancienne constitue une base fondamentale pour l'Afrique et la civilisation noire globale, mais rester incarcéré en Égypte, ignorant les autres composantes et tout ce qui constitue la mosaïque de la globalité noire, n'est pas sain.
  • -Pour un Koujichagoulisme spirituel : Le rôle du Koujichagoulisme ne doit pas être d’anéantir les différentes religions, mais d’essayer d’agir comme un harmonisateur pour toutes. Le vitaliste, le rasta, le chrétien, le musulman, l’athée, etc, font tous partie de la Famille Noire Globale. Pour ceux qui croient en un Être Suprême, tout le monde s’accorde sur le fait qu’il n’y a qu’un seul Dieu et c’est cela qui doit compter. Un autre élément qui doit servir d’harmoniseur est le fait que les premiers témoins de toutes les spiritualités et religions étaient Noirs. Aucune composante religieuse ou spirituelle n’est étrangère au Melanodermes. Simplement, tout au long de l’Histoire, de nombreux conspirateurs contre la Famille Noire Globale ont décidé d’effacer la matrice de tout. Quant aux athées, ils ont la liberté d’être ce qu’ils veulent. Cela ne devrait pas être un motif de stigmatisation. Aujourd’hui, tous les Mélanodermes du monde subissent l’oppression et la barbarie du temporaire suprématisme occidental (avec son capitalisme) : ce qu’il faut donc, c’est l’unité dans la diversité pour une koujichagoulité.

Un Dieu, un But, un Destin !