Kémi Séba et l’ « Effet-Dakar » : le défi anti-mondialiste des afro-descendants
Les récents événements survenus à Dakar au sujet du combat panafricaniste ET anti-mondialiste (la précision est primordiale) du camarade Kémi Séba qui ont chevauché la fin du mois d’août et le début du mois de septembre sont symptomatiques à plus d’un titre de la fin d’un cycle historique. Les mobilisations récurrentes qui se sont organisées en cette année 2017 dans l’ensemble de la sphère francophone du continent africain contre le Franc CFA et qui ont abouti à l’incarcération temporaire puis à l’expulsion du militant hors du territoire sénégalais semblent faire bouger les lignes de la lutte panafricaniste. Bref état des lieux de la situation : pour celles et ceux qui auraient encore du mal à s’y faire, l’Afrique est la chasse gardée d’une civilisation occidentale vieillissante, tellement débandante que l’on peine à croire que la pente soit raide ! Et ce système s’appuie en majeure partie sur les méfaits des chefs d’états africains à l’encontre de leur peuple. Un tel constat a pour effet de résumer la croyance en une dimension strictement raciale du combat à un délirium pour afrocentristes et autres Hotep ! égarés. Des blancs rougissant péniblement sous les éclats généreux du Soleil pour fouetter nos nègres insolents ? Plus besoin ! Les « nègres de maison », pour citer le défunt Malcolm X, s’en chargent très bien ! Et pour étendre la citation de l’activiste afro-américain, le terme « maison » devrait plutôt s’étendre au terme « hôtel », voire « hôtel de passe », ce genre d’établissement hôtelier tant souhaité par nos grands échiquiers du mondialisme qui appellent de leurs vœux la réduction de toute nation souveraine à ce genre d’immondices…
La lutte panafricaniste n’est pas une lutte panégriste. Le panafricanisme, au regard d’un contexte actuel pétri de bouleversements géopolitiques et de redéfinitions d’alliances autant chez les atlantistes que chez les non-alignés, est avant tout une lutte de classe. Et à ce titre, l’afro-descendant qui prétendra être un panafricaniste ou un afro-militant déterminé à libérer le Monde Noir sera dès aujourd’hui mis au défi de s’installer en Afrique non pas pour y faire du tourisme ou des selfies, mais pour y trimer sous les coups de poings que lui assèneront quotidiennement les fossés sociaux et ethno-tribaux où l’injustice est reine. Ses « tous ensembles, frères et sœurs noirs de tous les horizons ! » se verront quelque peu piétinés. L’organisation de son travail se verra ralentie par une autre conception du temps et du rythme. Il sera trompé par les hochements de tête d’autoproclamés panafricanistes convaincus mais qui s’avèreront être, lorsqu’il sera question d’actions concrètes, des cons vainqueurs par excès de blabla, cette excroissance se doublant généralement d’une ignorance totale et d’un mépris affiché de ses engagements les plus sincères. Mais si la foi en son combat reste intacte, s’il sait se rattacher à des êtres de souffle qui lui susurreront l’objectif de sa mission, ce militant malmené se relèvera sans compromissions pour un nouvel affront, plus vivace, plus efficace, où stratégie et minutie seront de mise.
Le mondialisme, dont le néocolonialisme n’est qu’une facette, déforme de fond en comble l’infrastructure, l’architecture et les mentalités du territoire sur lequel il s’exerce. Il est à cet égard important d’observer la ville de Dakar. En digne représentante de l’ « Afrique Occidentale », la capitale du pays de Cheikh Anta Diop est une ville aménagée comme on les aime au-dessus de la Méditerranée ! Les routes sont goudronnées, les taxis sont policés dans leur conduite. « Nous ne sommes pas comme les chauffeurs guinéens peuhls qui ne sont pas homologués ! » peut vous dire un taximan dakarois. Peuhls qu’il reconnait « à leur teint clair ». Oui, il est important de préciser par extension aux Hotep légèrement ou carrément café-crèmes qui n’ont jamais mis les pieds sur le continent africain qu’ils seront considérés comme des Toubabs ! C’est une précaution toujours bonne à prendre pour éviter les crises identitaires aiguës qui peuvent vous accabler au détour d’une conversation ou d’un comportement à votre encontre. Mais rassurez-vous, les trottoirs sont propres, les feux et les signalisations abondent comme à Paris ! Les travailleurs en service font la gueule et saluent à peine, on se croirait vraiment à Paname ! Paris s’est inscrit dans le logiciel dakarois depuis que ses maîtres, tout en meurtrissant le petit peuple de France à coups de révolutions bourgeoises et libérales, ont jeté leur dévolu sur la terre sénégalaise. C’est-à-dire depuis très longtemps ! Et cela d’ailleurs n’a pas échappé à Kémi Séba qui a su anticiper, par le biais de son happening, les réflexes de leurs successeurs. Notre camarade doit par ailleurs certainement relativiser, par expérience, l’épisode dakarois en comparaison d’un pays comme la République Démocratique du Congo, immense plateforme de tout ce que le continent africain peut abriter en violences, en cruautés et en opportunités mondialistes sans fins…
Le panafricanisme doit se faire essentiellement et prioritairement sur le continent africain. Autrement, il n’est qu’une vue extérieure et inoffensive de l’esprit où le panafricanisme est à la fois partout et nulle part. Trop d’organisations politiques (souvent diasporiques) voulant peser politiquement sur les élections africaines par nostalgie des coups d’éclats de nos aînés africains (Patrice Emery Lumumba, Ahmed Sékou Touré en passant par Mouammar Kadhafi et Thomas Sankara) sans maîtriser le terrain ne prennent pas suffisamment en compte la dimension spirituelle voire mystique qui redéfinira l’Afrique face à l’Atlantisme (à combattre avec la plus grande des intransigeances) mais aussi face à l’Eurasisme (à considérer comme allié stratégique). Nos militants ne doivent pas omettre de puiser dans les prémisses des luttes de libération africaine des siècles derniers qui ne se situent pas forcément sur le continent (de Zumbi Dos Palmares au Brésil en passant par Marcus Mosiah Garvey aux Etats-Unis voire la Nation Of Islam actuellement dirigée par l’Honorable Ministre Louis Farrakhan). Le panafricaniste doit étudier avec attention les préceptes religieux propres à l’Afrique (dont le kémitisme qu’il ne s’agit pas de négliger mais de réadapter et de concrétiser) pour impulser, par la force de la connaissance historique et d’une foi exaltée, la création d’autorités spirituelles enfouies et renouvelées par l’héritage matérialiste de nos luttes contemporaines.
Une praxis sans vision, tout comme une vision sans praxis, est un échec…Les militants africains et afro-descendants voulant arracher l’émancipation de leur peuple n’ont plus le droit à l’erreur ! Le dépassement de nos aliénations premières (complexes d’infériorité, rivalités mimétiques) auxquelles un Frantz Fanon a consacré son œuvre, tout comme le dépassement de nos aliénations actuelles que le consumérisme et la Société du Spectacle digèrent sans reflux gastriques, est notre première tâche. La consolidation des structures afro-militantes sur une convergence commune en ré-inculquant l’esprit du collectif et en ravalant nos prétentions mégalomaniaques de négros frustrés est une de nos priorités. « Balayer devant sa porte avant de balayer devant celle du voisin ! ». En d’autres termes, le combat panafricaniste est en première instance un combat interne. Le reste suivra, par la grâce de Dieu et de nos ancêtres…
Courage à Kémi Séba, à son conseiller politique Hery Djehuty et à toutes les sections « Urgences Panafricanistes » !
Panafricainement.