Jeux d'ombres et cadavres opportuns

14.03.2024

Nous ne savons pas ce qui est réellement arrivé à Navalny... qui, ou quoi, a causé sa mort. Nous ne le savons pas et ne le saurons probablement jamais. Et, franchement, les diverses hypothèses partisanes (des deux côtés) ne nous intéressent pas. Elles laissent le temps de trouver - la propagande. Toujours et en tout cas de la propagande de guerre.

En revanche, le "jeu d'ombres" qui se tisse, ici en Occident, autour du cercueil du blogueur et homme politique russe, est d'un tout autre intérêt.

Un jeu qui n'a rien à voir avec la vérité sur sa mort.

Observons attentivement la scène. Les médias parlent de Navalny, des attaques qu'il a subies, de sa vie. Ils le font, la plupart du temps, sur un ton élégiaque. Mais même dans les rares exceptions où l'analyse apparaît plus critique, l'effet est toujours le même. Il masque ce qui se passe en ce moment en Ukraine.

Avdiivka est tombée. En ces heures mêmes. Et tenter de s'y accrocher malgré tout a résulté en un massacre effroyable. L'armée ukrainienne a perdu une division entière. Et ses troupes sont en déroute. Traduisez : en fuite. Malgré le fait que les milices Azov ont été mobilisées. Plus pour contenir le démantèlement de l'armée régulière, d'une main lourde, que pour faire face à l'avancée russe.

Désormais inévitable. Car Avdiivka revêtait une importance stratégique. Pour contenir l'offensive russe vers l'intérieur de l'Ukraine. C'est pourquoi le commandement de Kiev avait ordonné de résister à tout prix. Poussés également par les "conseillers" de l'OTAN. Il ne s'agissait pas de résister pour tenir une place "symbolique", comme par le passé. Une défaite aurait ouvert la voie vers la capitale. Et, par la même occasion, a provoqué l'effondrement moral des troupes.

Ce qui est, ponctuellement, en train de se produire. Et cela, cependant, devait, et doit, être éclipsé. Notamment parce que l'administration Biden tente actuellement de faire adopter un nouveau programme d'aide à Kiev. Sans quoi... la partie est terminée. La partie est perdue. Malgré le bellicisme risible et ridicule de la Commission européenne.

Mais les Républicains s'y opposent. Ils font de l'obstruction. Trump a, à présent, presque totalement pris le contrôle du parti. Et il a été clair. Coupez l'oxygène à Zelensky. Mettez fin à la guerre par procuration.

Et donc... il faut exercer l'art de l'ombre. Détourner l'attention de ce qui compte vraiment. La défaite ukrainienne. Un désastre, dans une poche qui rappelle les fantômes de Stalingrad.

Et, dans le même temps, susciter l'indignation (et la crainte) de Poutine. Il est accusé d'être l'instigateur de l'assassinat de Navalny.

Pour contrecarrer toute tentative, même laborieuse, de trêve.

Des reconstitutions plus ou moins fantaisistes. Longues digressions d'experts qui, jusqu'à hier, ne savaient même pas qui était Navalny... reportages larmoyants sur le courage de sa veuve...

Tout est permis pour ne pas parler des faits horriblement concrets du champ de bataille.

Suis-je cynique ?

Je crois sincèrement que le vrai cynisme est autre. Celui de ceux qui exploitent la mort d'un homme pour masquer la réalité. Et refinancer une guerre qui a déjà conduit à des centaines de milliers de morts. Et presque à l'anéantissement de tout un peuple.

Source

Traduction par Robert Steuckers