Jean-Marie Le Pen - fils de la nation
L'entretien exclusif de Jean-Marie Le Pen!
• Vos mémoires sont un phénomène de librairie puisqu’épuisées avant même leur parution. Quels sentiments ce succès vous inspire-t-il ?
Jean-Marie Le Pen: C’est un succès significatif de l’état de l’esprit public et de la considération qu’il peut avoir pour un leader de l’opposition nationale.
Je pense que dans l’esprit des gens cela signifie « Le Pen avait raison ». Malheureusement, tel Cassandre, j’annonçais plutôt de mauvaises nouvelles ; mais je disais ce que je voyais et je persiste à dire ce que je vois !
• Ce livre c’est le « tourbillon de la vie » d’un corsaire à la grande santé. Pourquoi êtes-vous plus corsaire que pirate ? Plus rebelle que révolutionnaire?
Jean-Marie Le Pen: Le mot Révolution en France évoque la Révolution française dont certains aspects ont été abjects et difficilement supportables.
En revanche la rébellion est la réaction – certes parfois excessive - d’un esprit libre qui ne se laisse pas dicter sa route tout en reconnaissant que l’expérience doit être prise en compte.
J’ai souvent dit qu’il y a deux sociétés où j’ai accepté d’obéir : les Jésuites et la Légion étrangère.
Ce sont deux groupements humains où les cadres donnent l’exemple et il est facile d’obéir à des gens qui s’engagent eux-mêmes et qui prennent des risques.
Il est plus difficile - et très pénible - d’obéir dans une société gouvernée par des imbéciles !
• Vous trouvez de Gaulle très laid.
Jean-Marie Le Pen: L’esthétique a sa place. et je crois que la beauté est l’expression d’un certain équilibre. En outre, on peut très bien être laid et avoir une « gueule » capable d’exprimer un certain nombre de forces diverses.
Adolescent, j’étais habitué à voir des représentations de héros français plutôt idéalisées.
Dans ma rencontre personnelle avec le Général dans la foule d’Auray, j’avais été frappé par la laideur de ce personnage hautain et méprisant. Il n’avait pas encore acquis les codes de ce contact avec le public dont il jouera plus tard avec beaucoup de talent, en particulier à la télévision.
• Avec ces considérations esthétiques et d’autres encore sur la nudité, vous brisez un puissant tabou d’origine judéo-chrétienne sur le rapport au corps. Seriez-vous secrètement païen ?
Jean-Marie Le Pen: Je suis un pagano-chrétien!
Je vous rappelle que je suis né le jour du solstice d’été dans la terre des menhirs et des dolmens ; je suis sensible aux influences et aux ambiances telluriques mais poétisées par une religion révélée que je ne pratique pas sans pour autant la renier.
• Vous buviez des canons avec Boris Vian et fréquentiez volontiers le monde de Saint-Germain des Prés ; on imagine difficilement en nos jours d’inquisition morale la simple possibilité de telles rencontres.
Jean-Marie Le Pen: J’étais Président des étudiants en droit dans l’immédiat après-guerre et j’ai connu des artistes du Quartier Latin comme Claude Luter – qui avait dans son orchestre Mowgli Jospin (beau-frère de Lionel NDLR) au trombone et Moustache à la batterie – mais aussi Boris Vian et un certain nombre de personnalités de Saint-Germain des Prés.
Il m’est arrivé de bavarder avec Orson Welles dans les Jardins du Luxembourg ; cela fait partie des rencontres de ma vie mais il faut dire que les contacts étaient plus faciles et plus naturels qu’ils ne le seraient aujourd’hui. De plus, l’omniprésence de caméras, de micros ont contribué à la formation d’un environnement qui limite la liberté des contacts.
• Comment expliquez-vous que la France soit devenue manichéenne et puritaine ? une « République de pions » dans la main de petits curés filandreux ?
Jean-Marie Le Pen: La France est effectivement devenue une « République de pions». Ceci tient au fait que l’enseignement dans son ensemble s’est effondré et n’est plus un moyen de promotion du peuple.
Une catégorie de français bénéficie de privilèges semblables à ceux que pouvaient avoir les nobles sous l’Ancien régime car leurs enfants ont des répétiteurs : ce sont les profs qui ne souffrent pas de l’abaissement général du niveau de l’enseignement parce que papa est professeur d’Histoire-géo et maman prof d’Anglais !
C’est leur progéniture que l’on retrouve en grande proportion dans des concours comme l’ENA.
Comme la France est gouvernée par la haute fonction publique, on aboutit à la République des profs.Cela étant et comme on a voulu réduire le nombre des élèves par rapport au nombre de professeurs, on arrive à une situation dans laquelle beaucoup de professeurs disposant d’un revenu médiocre ressentent une frustration sociale qui les porte à gauche ou à l’extrême gauche.
Ils ont impulsé dans la société juvénile l’idéal du loisir. L’instituteur négligé suggère par son accoutrement que ce qui compte réellement ce sont les vacances et non l’effort personnel d’élévation.
La dégradation morale du corps enseignant a fait perdre à la société française le sens de la valeur travail. Je préfère ne rien ajouter sur la perte du sens de la famille et de la patrie !
• Le poujadisme était déjà, dites-vous une réaction à la trahison des élites.
Jean-Marie Le Pen: Oui, ça a été surtout au départ une réaction non seulement contre la pression fiscale qui s’exerçait contre le commerce et l’artisanat - l’aristocratie populaire en quelque sorte - par le biais de perquisitions coercitives totalement contraires à la dignité des personnes et des familles.
Cela suscita ce grand mouvement populaire riche de nombreux adhérents (15.000 adhérents dans l’Hérault par exemple) et de deux journaux tirant à 400.000 exemplaires chacun. Malheureusement, malgré l’enthousiasme soulevé, Pierre Poujade, leader sympathique au demeurant, ne s’est pas senti la dimension d’un chef politique d’envergure nationale.Le mouvement a donc périclité au premier échec électoral.
• La classe moyenne française est aujourd’hui laminée. Pensez-vous qu’une insurrection fiscale soit aujourd’hui possible ? Souhaitable ?
Jean-Marie Le Pen: Souhaitable surement : nous sommes champions du monde du taux de prélèvement fiscal ; de ce fait, la promotion sociale devient sinon impossible, du moins surhumaine ! Les gens se contentent donc de la médiocrité et échangent la réussite ou la progression sociale contre le loisir et les vacances.
• Vous évoquez furtivement un film « Les barbouzes » et quelques noms du cinéma français. Avez-vous des gouts cinématographiques marqués ? si oui lesquels ?
Jean-Marie Le Pen: Je suis beaucoup allé au cinéma étant jeune ; j’étais un ami de Claude Chabrol qui était un de mes comitards (membre de la Corpo NDLR) ; nous assistions presque chaque matin à la présentation des nouveautés cinématographiques puisque son oncle, propriétaire d’une salle à Paris, lui déléguait le soin de visionner les films du moment.
Pour moi, un film doit raconter une histoire ; or, un certain nombre de gens pensent avec leur caméra et c’est pesant.
• Votre anticommunisme ne s’est jamais démenti…
Jean-Marie Le Pen: La plupart des gens ont oublié le phénomène communiste et la menace de l’Armée rouge qui a pesé sur nous pendant des décennies. Nous avions à la fois cette menace extérieure d’une armée soviétique à 500 kms de nos frontières depuis la fin de la seconde guerre mondiale et l’action subversive du Parti communiste français, de ses annexes syndicales et autres organisations proches. Aujourd’hui ils ne font que 2% des voix ce qui prouve qu’il ne faut jamais désespérer et que ceux qui ont combattu sans esprit de recul ont fini par avoir raison.
En revanche, le combat subversif a laissé des traces et la victoire que nous avons remportée a été relativement une victoire à la Pyrrhus puisqu’à travers le showbiz, le cinéma, le théâtre, l’enseignement, le virus est quand même parvenu à perdurer.
• Pourtant, après 70 ans de communisme, les baltes sont restés plus baltes que les français ne sont restés français pendant la même période…
Jean-Marie Le Pen: Le virus a amoindri les capacités de résistance du monde libre; la seule résistance qui ait été victorieuse est la résistance nationale, celle des gens qui se sont battus pour leurs racines, leurs traditions et leurs valeurs.
Même sous l’occupation soviétique, l’esprit national est resté vivace et finalement victorieux.
Il est vrai aussi que les baltes n’ont pas connu l’immigration que nous avons dû subir à l’ouest.
• Pensez-vous que la défense du monde blanc soit le dernier combat ? Ne faut-il pas sortir du cadre national et aller vers une fédération de mouvements européens ?
Jean-Marie Le Pen: Je ne crois pas à la force d’un hypothétique mouvement européen.
Trente-cinq ans d’expérience parlementaire européenne m’ont appris qu’il est impossible de faire une Europe fédérale et que les nationalismes restent forts.
Ils doivent se conjuguer, et non se dissoudre, pour se mettre au service de la force européenne.
Dissoudre pour reconstruire, serait ouvrir une béance historique sans doute mortelle.
• Les français voient maintenant plus clairement les dangers liés à l’immigration. Y-a-il en France un plafond de verre qui interdit la victoire aux nationaux ?
Jean-Marie Le Pen: Non, il n’y a pas de plafond de verre et les français ne voient pas bien les dangers que l’immigration fait courir au pays ; les seuls qui perçoivent le danger - encore que ce soit souvent instinctif – sont ceux qui le voient.
La bourgeoisie ne le voit pas car il est surtout perceptible dans les transports en commun. Que ce soit pour aller au travail pour partir en weekend ou en vacances, ils n’ont pas l’occasion de croiser l’immigration sous sa forme concrète
• Que dites-vous aux jeunes français, de plus en plus nombreux qui souhaitent quitter la France ?
Jean-Marie Le Pen: Je leur conseille de lire « Rendez-vous à Samarkand » ; quelqu’un qui croit fuir la mort et qui s’en va à l’étranger ; au moment où il débarque, c’est la mort qui l’accueille et lui dit : « Tu vois, je t’attendais »
C’est une illusion de penser que l’on peut, dans des pays étrangers, fuir durablement les réalités qui s’imposent à nous.
L’exilé partout est seul.
Il faut se battre là où l’on se trouve à tout risque mais aussi à toute chance…
Saint-Cloud le 8 mars 2018