Guerres oubliées
La guerre en Ukraine n'est que la dernière... la dernière d'une série, malheureusement longue, de guerres oubliées. Des guerres qui ont connu des moments d'attention médiatique, qui ont été sous les projecteurs des médias, qui ont fait l'objet d'analyses et de discussions... et puis, soudain, elles ont... disparu.
Celle de l'Ukraine, comme je l'ai dit, n'est que la dernière en date. Et, en même temps, le cas exemplaire. Depuis plus d'un an, nous sommes littéralement inondés de nouvelles - plus fausses que réelles - sur l'évolution du conflit. Inondés de reportages d'envoyés spéciaux... le plus souvent filmés loin de la ligne de front. Assaillies par des talk-shows où des experts improvisés discutent de stratégie militaire, annoncent l'effondrement imminent de la Russie, prophétisent la fin de Poutine...
Et Zelensky était emmené partout, comme s'il était la Mère Pèlerine. Nous en étions venus à soupçonner qu'il possédait le don d'ubiquité. Il apparaissait à l'ONU, dans les principales capitales européennes, dans tous les événements mondains et politiques. Il ne manquait pratiquement que le Zecchino d'Oro et le Zero Branco Pepper Festival.
Et puis, il était partout choyé, caressé, bécoté... le chouchou du public et des politiciens occidentaux.
Et puis, soudain, le silence. Un silence assourdissant. L'Ukraine est soudain redevenue une région périphérique. Une "marche frontière" (c'est le sens de son nom) entre l'Est russe et l'Europe centrale, principalement allemande. Une sorte de république d'opérette, une sorte de Pontevedro de la "Veuve joyeuse" de Lehar.
Et Zelenski ? Zelenski qui ? Vous vous entendez déjà répondre. Mais comment ? Zelenski, le héros de l'épopée de la résistance contre la tyrannie russe... Ah, ce monsieur (copyright de feu Silvio Berlusconi) qui se promenait toujours avec cette espèce de T-shirt militaire pas très propre... Eh bien... On n'a plus de nouvelles de lui. Peut-être s'est-il déjà enfui à l'étranger avec une bonne partie de l'argent qui lui a été généreusement prodigué à nos frais....
Quoi qu'il en soit, dira-t-on, la crise de Gaza a explosé. Les médias et l'opinion publique, inévitablement, ont changé d'angle de vue. Ubi maior...
Certes, mais... qui sait pourquoi cet oubli intervient à ce moment précis. Alors qu'il est désormais clair que la fameuse Grande contre-offensive ukrainienne a lamentablement échoué. Et que les forces de Kiev sont complètement désorganisées. Les Russes, avec leur lenteur historique de vieil ours, se préparent à reprendre l'initiative. Et, cette fois, il est très probable qu'au printemps, nous verrons les Tchétchènes de Kadyrov entrer dans la capitale ukrainienne.
Une nouvelle difficile à annoncer, après des mois de récits où les gentils de Zelenski étaient sur le point de s'emparer de Moscou. Et de faire fuir Poutine au-delà de l'Oural.
Film déjà vu. Quand les choses ont commencé à mal tourner en Afghanistan, Kaboul a disparu des médias. Il en a été de même en Irak, en Syrie, en Libye....
Le soft power, vous le savez, est une arme puissante. Et elle est presque entièrement entre les mains de l'Occident. C'est-à-dire de Washington et de ses satellites.
Puissant... mais les guerres se gagnent sur le terrain. Et pas sur des talk-shows et des reportages fabriqués de toutes pièces.
Et il y a, en plus, le risque d'un effet boomerang. Parce que "nous", Occidentaux, sommes tellement habitués à mentir, à falsifier l'actualité et la réalité, que nous risquons de prendre ces mensonges... incommensurables pour vrais et bons.
Nous bercer de l'illusion de victoires et de triomphes qui, en vérité, portent un autre nom: "défaites".
Et celui qui croit à ses propres mensonges est toujours voué au désastre.
Traduction par Robert Steuckers