Alexandre Douguine et la révolution de Trump

11.11.2024

Les analystes politiques les plus excentriques se réjouissent déjà en affirmant qu’avec le retour de Trump, les "globalistes" perdront et le monde sera sauvé. Sur quoi repose une telle croyance ? Ne serait-il pas plus prudent d’attendre les actes concrets de l’administration Trump avant de se réjouir de manière trop optimiste ?

Le théoricien russe en géopolitique, souvent qualifié de "fasciste" en Occident tout comme Trump, principal idéologue du néo-eurasisme et théoricien d’un "monde multipolaire", Aleksandr Douguine, est un fervent "trumpiste" depuis 2016. Pour une raison ou une autre, il voit en Trump plus de bien que de mal.

Douguine s’enthousiasme à l’idée que la victoire écrasante de Trump lors des élections présidentielles américaines pourrait entraîner un "bouleversement sismique dans l’ordre mondial". Selon le penseur russe, il s’agirait même d’une "révolution conservatrice qui défie le globalisme libéral", accélérant la naissance d’un monde multipolaire.

Douguine affirme que, bien que cela n’ait pas été ouvertement admis, la Russie espérait aussi le retour de Trump, et que, par exemple, les propos de Poutine évoquant une présidence de Kamala Harris relevaient en réalité d’un "touchons du bois" superstitieux, espérant ainsi que Trump gagne les élections et permette un nouvel équilibre des forces dans le monde.

Cependant, la Russie ne doit pas s’attendre à des miracles de la part de Trump et de sa nouvelle administration. Indépendamment de la victoire de Trump ou de tout autre facteur, Douguine estime qu’il reste essentiel que la Russie gagne la guerre en Ukraine. "Tout comme l’ancien consul romain Caton l’Ancien disait que Carthage devait être détruite, pour la Russie, Kiev doit être prise", affirme-t-il.

Il se murmure que l’équipe de Trump travaille sur un "plan de paix" pour l’Ukraine. Selon certaines fuites, ils pourraient proposer de geler le conflit jusqu’à une date indéfinie. Cependant, il est peu probable que Poutine accepte cette idée ; ainsi, on espère que Trump proposera de meilleures solutions, faute de quoi les hostilités continueront.

Parallèlement, Trump continuera probablement à soutenir les actions agressives d’Israël. Les États-Unis envisagent également d’intensifier la guerre commerciale avec la Chine et pourraient apporter un soutien accru à la Corée du Sud dans sa confrontation avec la Corée du Nord. "Ainsi, la victoire de Trump ne signifie absolument pas que tous les problèmes seront résolus", admet également Douguine.

Les événements qui se sont déroulés ne sont pas des coïncidences, selon Douguine, "surtout si l’on considère que Trump n’a ni été emprisonné, ni assassiné, ni éliminé, malgré les attaques incessantes des fanatiques démocrates qui ont tenté de le discréditer pendant huit ans". Douguine voit dans cette résistance la preuve que le "poutinisme" a triomphé aux États-Unis : les Américains ont voté pour Trump parce qu’ils voulaient "quelqu’un de semblable à Poutine" pour diriger leur pays.

Le retour de Trump apparaît aux yeux des libéraux occidentaux comme "le coup de grâce pour ce qu’il reste de l’ordre mondial" (comme l’a affirmé l’écrivain israélien Yuval Harari, également associé au Forum économique mondial), car ils n’ont envisagé qu’un seul chemin de développement, celui où l’élite managériale régit la vie des nations.

Y a-t-il des désaccords au sein de l’élite occidentale concernant l’avenir ? Douguine suppose que Trump a reçu des autorités de l’État profond l’autorisation d’"expérimenter une stratégie alternative pour maintenir la domination mondiale de l’Amérique sans confrontation directe avec le monde multipolaire". Nous verrons bientôt si cette hypothèse est simplement un vœu pieux de Douguine.

Douguine pense que "la Russie doit consolider sa position en tant que pôle indépendant et qu’ensuite, tôt ou tard, un Trump réaliste n’aura d’autre choix que de reconnaître les faits". Selon le penseur russe, cela représente "la garantie de la victoire et de l’avenir souverain de la Russie".

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